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je crois que vous en apprendrez beaucoup plus en jasant avec de vieux soldats qu’en consultant les officiers.


Mais il faut lire dans son entier la belle et longue lettre de Périolas, — lettre VII, — que nous publions plus loin.

Balzac est pressé, il passe outre. Ses éditeurs qui lui ont donné des acomptes, ses amis auxquels il a tant parlé de la Bataille, ses ennemis qu’il faut confondre par quelque coup d’éclat, tous semblent conspirer à lui faire tenter cette folie : peindre des choses, des hommes, des sentiments qu’il ne connaît pas à fond, lui, le peintre de la réalité.


Le résultat n’était pas douteux : de juillet 1832 à janvier 1833 à Saché, à Angoulême, à Aix, il lutta désespérément, la nuit, le jour, essayant en vain, dans son exaltation, d’étreindre ce sujet qui se dérobait devant lui. Mais il ne put en saisir que des fragments et la Bataille ne fut pas écrite : ce fut le Médecin de campagne avec Genestas, Gondrin, Goguelat et la veillée dans la grange. Balzac remboursa son éditeur, et sans avouer sa défaite, en tira la leçon qui s’imposait : il se mit à collectionner patiemment tous ces menus faits innombrables et nécessaires qui lui manquaient en 1832. Jusqu’à la fin de sa vie, il rêvera de cette Bataille, qu’il n’a pu évoquer, que Stendhal lui fera entrevoir, mais que Tolstoï seul devait décrire. Pour cette Bataille il amassera cartes, plans, mémoires, visitera les champs de bataille, Dresde, Wagram et en 1845, — cinq ans avant sa mort, — il inscrira dans le Catalogue des ouvrages que contiendra la Comédie humaine, — parmi les titres des vingt-deux Scènes de la vie militaire, — la plaine de Wagram. De ces vingt-deux scènes nous n’en connaîtrons jamais que deux, celles qu’il publia en 1829 et 1830, avant son grand dessein : Les Chouans et Une passion dans le désert. Encore peut-on dire que la Passion dans le désert n’a rien d’une scène de la vie militaire et n’a été placée à côté des Chouans que pour en masquer la solitude.

Mais revenons à Périolas. Désormais son rôle dans la vie intellectuelle de Balzac est terminé. En juillet 1832 il est nommé chef d’escadron au 2e régiment d’artillerie à Metz, puis, avec le 12e régiment, il tiendra garnison à Bourges, où nous le trouvons en 1835, à Besançon en 1837, à Lyon en 1839. Lieutenant-colonel en 1843, il finira sa carrière avec ce grade comme