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atmosphère qui est celle où nous respirons. La divine églogue cesse d’être une chose du passé, arrivée une fois pour toutes et à jamais irrévocable ; elle demeure actuelle, vivante, comme une possibilité permanente, un miracle qui peut se reproduire aujourd’hui.


Pour l’homme d’imagination, tout est neuf et présent. Toute étoile qui palpite et brille au ciel nocturne, peut vous enseigner la maison où vient de naître un fils de Dieu ; toute étable a une crèche qui peut devenir berceau, quand elle se remplit de foin léger et de paille luisante ; une montagne nue, qui s’enflamme des lueurs de l’aurore au-dessus des brumes de la vallée, peut toujours être le Thabor ou le Sinaï… L’âne qui porte sur son bât la laitière qui vient de traire, est celui que montait le prophète se rendant vers les tentes du peuple d’Israël, ou celui qui descendait de Béthanie à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Le pigeon qui roucoule au bord du toit de tuiles, est la colombe de l’Arche, ou le Saint-Esprit qui plana sur les eaux du Jourdain. Tout, aux yeux du poète, est éternellement pareil, égal, omniprésent ; toute histoire est une histoire sainte.


Cette magnifique déclaration vaut mieux sans doute qu’une promesse de fallacieuse érudition. En effet, M. Papini n’a pas fait une œuvre savante ; il a fait mieux : une œuvre qui vit. Son livre se compose d’une suite de tableaux, d’une série de fresques rappelant d’assez près celles des peintres primitifs, ou mieux encore les grandes toiles décoratives de l’école vénitienne, de Tintoret, de Véronèse ou de Bonifazio : depuis la Nativité jusqu’à l’Adoration des Mages, de la fuite en Egypte jusqu’à la scène de Jésus au milieu des docteurs, du baptême du Christ aux Noces de Cana, nous reconnaissons tous les sujets favoris des vieux maîtres, ceux des retables et des églises, des chapelles et des musées, et tout ce qui compose la matière éternelle de l’art chrétien. Peut-être se plaindra-t-on d’abord de cette extrême abondance, surtout dans la première partie ; on regrette la céleste simplicité de l’Evangile. Et cependant, il faut reconnaître que M. Papini a plutôt abrégé que développé sa matière ; à peine esquisse-t-il çà et là une silhouette de la Vierge ; et peut-être se réserve-t-il de lui consacrer quelque jour un second poème semblable à la Vie de Jésus, où il rêve de dire sur la plus pure des femmes « ce que personne n’a jamais dit d’aucune autre. »

Ou plutôt, cette Vie du Christ fait penser à une série de « méditations « sur l’Évangile, analogues à celles de Bossuet ou à celles qui sont attribuées à saint Bonaventure. Sans nulle recherche d’exotisme, de costume ou de pittoresque, il nous propose à tort moment de courts poèmes, des élévations, des rêveries qui nous aident à mieux