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d’une justice et d’une bonté progressives, peut-être d’une réforme toute intime, d’une bonne préparation à la mort.

Mais M. Papini pense différemment. Depuis longtemps, il est hanté par l’idée du Jugement dernier. Dès sa confession de 1912, longtemps avant sa conversion, il nous trace le plan d’un immense poème, qui avait pour titre Dies iræ. Il a transporté cette idée dans son catholicisme. Peut-être les désordres de la guerre, les craquements du monde, l’effroi où se débat l’univers, semblent ils autoriser des visions de ce genre : comme les chrétiens de l’an Mil, ou comme le rêveur de l’Évangile éternel,


Et il calabrese abbate Gioachinno,


il suppute, il calcule ; il aperçoit les signes du ciel, il écoute les grincements de la machine vermoulue, et il discerne dans les ruines du monde les symptômes de la fin des temps. Et c’est ce qui achève de donner à son livre son frémissement intérieur et son accent tragique.

Les jours sont comptés, le temps presse. Qu’attendons-nous ? Qui nous dit que nous avons encore un si long répit devant nous ? Le christianisme n’est pas encore commencé. Loin d’être, comme on le croit parfois, une vieillerie absorbée, en ce qu’elle a de meilleur, par la conscience moderne, il n’a même pas reçu un commencement d’exécution. Hâtons-nous. Qu’en coûte-t-il ? Au point où nous en sommes, rien ne doit plus nous effrayer. Nous avons essayé de tout. Ah ! on ne dira pas que le temps nous a manqué. « Depuis des semaines de millénaires, nous ne sommes occupés qu’à multiplier les expériences. » Nous avons essayé la cruauté et le plaisir ; nous avons essayé la Loi, et la liaison, et l’Art, l’Argent, et nous nous sommes trouvés plus pauvres, la Force, et nous nous sommes réveillés plus débiles. Il est temps de tenter la dernière expérience, celle que personne n’a faite, l’expérience de l’Amour.

Ainsi par le M. Papini. Et l’on croirait entendre, en lisant ces pages brûlantes, une autre voix florentine, une voix qui parlait déjà il y a quatre cents ans, des terreurs de la fin du monde, la voix de Jérôme Savonarole, qui troubla Michel-Ange. Comme le rappelle avec fierté M. Giovanni Papini, Florence est la seule ville du monde qui ait élu Jésus comme roi, et qui ait fait l’essai la monarchie divine. Sur la porte de la Seigneurie, une inscription, qui se lit encore, nous rappelle ce règne étrange. L’expérience ne fut pas heureuse. L’Évangile n’est pas un programme politique. Les seules sociétés humaines qu’on ait