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fondées sur la morale de Jésus sont des couvents, et ces maisons ne se passent pas de gouvernement. Qui peut dire si les Césars, si les grands capitaines, les rudes brasseurs de l’univers, ne sont pas des instruments entre les mains de Dieu et des ouvriers nécessaires à son œuvre ? Les réalistes ont leur rôle à côté des martyrs, des poètes et des saints. Il peut être dangereux de mettre trop de rêve sur la terre. On ne gouverne pas les hommes au nom de celui qui a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde. »

Quoi qu’il en soit, quelle âme demeurerait insensible à cette faim, à cette soif, à ce besoin du christianisme, plus que jamais nécessaire dans cette fange empoisonnée et ce sordide bourbier de convoitises et d’intérêts ? Qui ne tressaillirait à la sublime grandeur de cette Prière au Christ qui termine le livre, et qui mérite, on l’a dit, d’être opposée à la Prière sur l’Acropole, comme le témoignage d’une génération ? Pour cette seule page, le livre de M. Papini a des chances d’être immortel, et qui sait dans combien d’âmes — ne fût-ce que dans une seule — cette flamme d’amour et de passion ne réveillera pas l’étincelle sacrée ? Nous, les indifférents, les tièdes, les mondains, les chrétiens endurcis et à demi païens, nous ne pouvons nous empêcher d’être secoués malgré nous par les cris de cette éloquence : puissent nos cœurs calleux en recevoir un peu de fraîcheur et de vie !


Nous, les Derniers, nous t’attendons. Nous t’attendrons toujours, en dépit de notre indignité et contre tout espoir. Et tout l’amour que nous pourrons exprimer de ces cœurs dévastés sera pour toi. Crucifié, qui as, pour l’amour de nous, enduré toutes les tortures, et qui à ton tour nous tortures de la toute-puissance de ton implacable amour.


LOUIS GILLET.