pour être fixé là-dessus, et il était évident dès longtemps qu’aucun chimiste, aucun élève en chimie n’aurait, s’il eût été consulté, rédigé ce fameux article 171 qui ne constitue rien qu’un ridicule coup d’épée dans l’eau.
C’est en effet une chose bien connue que les gaz asphyxiants, lacrymogènes et toxiques peuvent être fabriqués en un temps très court au moyen des substances industrielles et des appareils en usage courant dans les usines de produits chimiques et en particulier dans les fabriques de matières colorantes.
C’est ainsi que le chlore est utilisé abondamment dans l’industrie des colorants (chlororation du benzène, du toluène, etc.), dans celle des chlorures décolorantes (eau de Javel, chlorure de chaux). Or, non seulement le chlore est l’élément actif de la plupart des produits de guerre toxiques, mais il constitue lui-même un corps très agressif, et c’est avec des vagues de chlore que les Allemands, en 1915, inaugurèrent sur le front d’Ypres leur offensive chimique qui ne devait s’arrêter qu’à la fin de la guerre.
Autre exemple : le phosgène est un produit constamment employé dans l’industrie pour fabriquer notamment ce corps courant en matières colorantes qui s’appelle la cétone de Michler. Ne fût-il pas couramment employé et fabriqué, le phosgène pourrait être réalisé presque instantanément par n’importe quelle usine à partir du chlore et de l’oxyde de carbone. Mais le phosgène n’est pas seulement un produit industriel, il est en même temps un corps terriblement toxique qui a été largement employé dans la guerre des gaz et qui est si dangereux qu’à la dose de 1 décigramme par mètre cube d’air, il amène la mort.
D’autres gaz, — et on peut dire à peu près tous les autres gaz toxiques, — s’obtiennent aisément et de même en partant de matières premières courantes qu’on ne peut songer et qu’on n’a jamais songé à prohiber, car leur emploi est trop répandu et leurs usages industriels sont multiples.
Voici par exemple la chloropicrine, qui est un liquide suffocant et lacrymogène apparu pour la première fois sur le front en mars 1917, dont les Allemands fabriquèrent pour leurs besoins environ 250 tonnes par mois et qui est extrêmement toxique.
M. Gabriel Bertrand, de l’Institut Pasteur, a proposé récemment d’utiliser les stocks que nous en possédons pour la destruction des parasites et la dératisation. La chloropicrine s’obtient en faisant agir le chrorure de chaux (des blanchisseurs) sur l’acide picrique obtenu