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lui-même par l’action de l’acide nitrique ou sulfo-nitrique sur le phénol. Tous ces produits sont usuels.

Prenons maintenant l’ypérite, le fameux gaz moutarde, qui fut le produit agressif le plus abondamment employé vers la fin de la guerre et dont la première apparition au combat date de 1917. La production mensuelle chez les Allemands de ce terrible gaz vésicant n’a pas été inférieure à 300 tonnes par mois.

Aux usines de la Badische Aniline et aux usines Bayer on fabriquait de la façon la plus simple ce corps qui est un sulfure d’éthyle dichloré, en faisant agir l’éthylène sur le chlorure de soufre. Or, le gaz éthylène s’obtient en déshydratant par catalyse les vapeurs d’alcool sur du kaolin porté à une certaine température. Ouant au chlorure de soufre, il suffit de faire agir le chlore sur le soufre. Et d’ailleurs le chlorure de soufre est un corps employé couramment dans la vulcanisation du caoutchouc. Alcool, soufre, chlore, voilà les substances qui permettent à l’Allemagne, quand elle voudra, de fabriquer en quelques heures des quantités illimitées de la terrible ypérite. Or, ces substances sont d’un emploi constant, et en grandes quantités, dans l’industrie du temps de paix.

Citons encore, — car noire démonstration ne sera jamais trop forte, — la surpalite, qui porte chimiquement le nom de chloroformiate de méthyle trichloré, nommé ésotériquement per-stoff par les Allemands et dont les usines de Hœchst ont fabriqué plus de 3 500 tonnes pour la guerre. Ce fut un des gaz allemands les plus employés et les plus redoutables. On obtient ce produit soit en faisant agir le chlore sur le formiate de méthyle (corps inoffensif), soit le phosgène sur l’alcool méthylique, puis en chlorant le produit obtenu. Tous ces produits sont courants.

Pour obtenir des lacrymogènes puissants, il suffit de faire agir le brome sur certaines molécules organiques très simples : par exemple sur le toluène, qui est un carbure extrait des benzols provenant du gaz d’éclairage.

Certaines arsines, qui sont des substances sternutatoires très puissantes, très gênantes et dangereuses, sont fabriquées très aisément à partir des mêmes matières premières que les médicaments utilisés dans le traitement de la syphilis : 606, 914, etc.

En un mot, et pour résumer cette énumération qui pourrait être centuplée sans peine, il est absolument impossible de songer à faire un choix, une discrimination entre les matières premières qui permettront de fabriquer des produits nocifs utilisables à la guerre, et celles