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qui serviront à faire des parfums, des matières colorantes, voire des médicaments !

La vérité donc (qu’il importe de dire ici, si désagréable qu’elle soit) c’est que nous n’avons aucun moyen d’empêcher l’industrie allemande de produire en quarante-huit heures, et sans transformer ses appareils, d’énormes quantités de gaz mortels. L’interdiction édictée par l’article 171 du traité de Versailles est donc parfaitement illusoire. Disons plus, elle est grotesque, et les Allemands doivent bien en rire. Il est vrai que les sujets de rire ne leur manquent pas.

Si l’on voulait mettre les Allemands dans l’impossibilité d’avoir à portée de la main un arsenal chimique propre à les alimenter en quelques heures de quantités illimitées de produits agressifs très dangereux, il y avait un moyen, il n’y en avait qu’un seul : c’était d’interdire chez eux toutes les fabrications chimiques pouvant être utilisées en vue de la guerre : c’était en un mot, — car il faut appeler les choses par leur nom, — de briser leur industrie chimique. Il eût fallu de l’énergie pour appliquer cette mesure, plus encore qu’il n’en eût fallu pour appliquer d’autres mesures presque anodines qu’on a décrétées et qui sont restés lettre morte. Mais il eût fallu sans doute encore plus d’énergie pour obtenir cette mesure que pour l’appliquer, et il est fort probable que les veto simplistes et autoritaires qui tombaient du haut de l’Olympe wilsonien n’eussent pas rendue possible la mesure que j’indique ici et qui eût été pourtant la seule efficace pour obtenir le désarmement chimique de l’ennemi.

Les Romains s’y prenaient d’autre sorte pour juguler leurs adversaires vaincus. Ainsi leur empire a duré, et leur paix aussi.

Du moins si l’Olympe wilsonien avait daigné consulter quelque petit chimiste, fût-ce le moindre préparateur en pharmacie, il se fût évité le ridicule de rédiger le fameux article 171, qui, — chose plus grave que le ridicule, — est en fait un trompe-l’œil qui a pu, un temps, dissimuler la vérité.

Cette vérité, la voici : en cas de conflit nouveau avec les Allemands, quelques heures après le départ de nos commissions de contrôle, même cent fois plus nombreuses et compétentes qu’elles ne le sont actuellement, l’ennemi sera en mesure d’utiliser contre nous des quantités redoutables des substances chimiques les plus dangereuses. A moins que..., mais ici encore il faudrait, il eût fallu plus d’énergie qu’il n’est accoutumé..., à moins que nous n’occupions en permanence les centres de fabrication chimique ennemis, et ne les fassions sauter, — ce qui est aisé, — au moindre danger de conflit.