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Mais je doute qu’on songe même à des mesures de ce genre, qui seraient pourtant les plus véritablement humaines, les plus réellement pacifiques qu’on puisse imaginer.

Car enfin, — on a un peu trop tendance à l’oublier, — qui veut la fin veut les moyens.


Qu’on ne croie pas que les détails qu’on vient de lire sur les facilités de fabrication des produits toxiques aient été à Washington une révélation pour les techniciens. Seuls les diplomates et hommes politiques ont pu éprouver, à les connaître, les naïfs étonnements que cause l’ignorance.

Il y a belle lurette, je le répète, que les chimistes savent ces choses. Ces détails techniques de fabrication que j’ai synthétisés ci-dessus sont à peu près tous empruntés à une remarquable étude de ces questions déjà anciennes due à la plume avertie de M. Daniel Florentin, chef de la section des gaz au laboratoire municipal de Paris, et qui fut là le principal collaborateur de M. Kling, l’éminent directeur de ce laboratoire. Ce qu’ont fait pour la défense nationale M. Kling et la pléiade de jeunes savants à qui il communiquait sa flamme intelligente, on le saura un jour. Pour n’en citer qu’un exemple, alors que les artilleurs professionnels doutaient et même niaient avec un ensemble touchant, c’est M. Kling, c’est ce chimiste qui le premier affirma et démontra, et dès le premier jour, que les projectiles de la Bertha provenaient bien d’un canon. Il y a des balisticiens qui n’en sont pas encore revenus.

Dans la guerre chimique, le laboratoire de M. Kling a joué un rôle de premier plan. Ses initiatives, ses succès, ses méthodes d’analyse des engins et produits de nos ennemis ont été pour beaucoup dans la riposte chimique finalement victorieuse que nous avons si bien su improviser en réponse à l’initiative allemande. Cela veut-il dire que des hommes comme M. Kling et M. Florentin, qui sont non seulement des savants, mais des combattants terriblement efficaces et utiles, — ils l’ont prouvé, — soient aujourd’hui employés au mieux des intérêts nationaux, pour préparer notre défense dans les futurs conflits ? J’ai bien peur que non... mais ceci, comme dit Kipling, est une autre affaire, sur laquelle il faudra bien que nous revenions quelque jour. La patrie a besoin d’utiliser à plein rendement des hommes comme eux. On n’a pas le droit de négliger pour sa défense d’aussi belles et utiles énergies.