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Pour aujourd’hui, m’aidant des données précieuses que ces éminents « chimistes de guerre « nous ont fournies, je voudrais simplement tirer des prémisses que nous avons posées ci-dessus les enseignements qui s’imposent.

Car enfin, le fait que les Allemands ont la possibilité, de fabriquer quand et comme ils voudront des gaz de combat en quantité, ce fait, dis-je, a, ou n’a pas, une grande importance, selon que le rôle futur de la guerre chimique sera ou non primordial.

Or là-dessus, nous avons des éléments d’appréciation suffisamment nombreux pour pouvoir nous former une opinion nette.

On a dit et même imprimé, à l’époque des hostilités, beaucoup de sottises sur les gaz toxiques, dont la chimie belliqueuse des Allemands a commencé d’user abondamment à dater du 22 avril 1915, jour de leur fameuse attaque précédée de vagues chlorées entre Bixchoote et Langemarck.

On a supposé et affirmé d’abord qu’il s’agissait là de substances inconnues et nouvelles jaillies des cornues miraculeuses de quelque Faust monstrueux, et que les chimistes, les bons chimistes des temps préhistoriques où la paix régnait sur la Terre, n’avaient pas soupçonnées. Il n’en est rien, comme a suffi à le montrer l’énumération succincte des produits dont il a été question ci-dessus.

Tous les rats de laboratoire connaissaient ces corps toxiques, vésicants, sternutatoires ou simplement lacrymogènes, qui depuis longtemps, parmi les cornues insensibles et dans l’assemblée peu sentimentale, des matras et des éprouvettes, — dans ce milieu où les agitateurs eux-mêmes ne sont qu’en verre, — leur avaient mis parfois la larme à l’œil.

L’emploi à la guerre de substances chimiques nocives était si peu une chose imprévue que, dans la convention de la Haye du 29 juillet 1899, toutes les nations européennes s’étaient interdit l’emploi de projectiles ayant « pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères. »

D’ailleurs on avait envisagé dès longtemps auparavant la guerre chimique. L’éminent historien G. Lenotre nous a narré naguère qu’au XVe siècle et plus avant encore les artilleurs allemands devaient, comme ceux des autres pays, jurer « de ne construire aucun globe empoisonné et de ne s’en servir jamais pour la ruine et la destruction des adversaires, estimant ces actions injustes autant qu’indignes d’un homme de cœur et d’un véritable soldat. »

En somme, il n’y avait donc rien de spécifiquement nouveau —