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procéder à l’enlèvement de Jessie. Refus irrité de Jessie : supplications et menaces du petit ami ; la scène du premier acte recommence. Soudain nouvelle entrée. On entre dans cette chambre à coucher comme au moulin, et tout le monde s’y retrouve. Le nouvel arrivant n’est autre que le fils du duc, Serge, avec qui nous avons déjà fait connaissance au premier acte. Fringant, piaffant, bruyant, il affecte de traiter sans aucune considération la fiancée de son père ; puis, peu à peu, il change de ton, s’adoucit, prend sous sa protection le gamin auquel il trouve du cran, conseille à Jessie d’écouter l’appel de la nature, et de suivre le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux. Elle, qui d’abord a trouvé le conseil médiocrement de son goût, hésite, fléchit, et, prenant tout à coup son parti, file avec Max... C’est ici l’invraisemblance la plus choquante et la plus criante. Telle que nous la connaissons, jamais Jessie ne fera cette folie. C’est une personne bien trop sérieuse, trop réfléchie, trop raisonnable. Jamais, au grand jamais, elle n’ira, pour une niaiserie de sentiment, compromettre une situation superbe et gâcher son avenir. Ces sautes de caractère ne sont admises que dans le vaudeville, où l’inconsistance est la règle. Et voilà le malheur de cette pièce : elle veut être une comédie, et elle nous fait sans cesse songer à un vaudeville, un vaudeville sans gaieté.

Brusquement elle tourne au drame. Et quel drame ! Après avoir, quelques mois, fait de la misère à Paris, Max et Jessie sont venus chauffer au soleil de Nice la fin de leur idylle et demander au produit de la roulette d’incertaines ressources. Ils mènent une basse vie d’expédients dans la promiscuité des villes de plaisir. Les jours de grande dèche, le gérant de l’hôtel, entremetteur bénévole, brandit la note en retard et propose à Jessie de lui trouver un payeur, sans sortir de l’établissement. Jessie s’indigne, ayant, pour ces quarts d’heure difficiles, un autre moyen de se tirer d’affaire. Une certaine Passerose, sur l’honnête métier de qui le doute n’est pas possible, apporte à point nommé aux jeunes gens l’indispensable liasse de billets de banque. D’où vient tout cet argent ? Passerose prétend avoir joué pour le compte de ses amis, et gagné. La vérité, que l’innocence de Max finit tout de même par découvrir, est que l’argent vient de Serge, comme de Serge viennent les perles, prétendues fausses, du magnifique collier de Jessie. Douleur de Max, révolte du noble jeune homme, qui va, dans un beau geste de fierté, rendre le collier et remmener Jessie à Paris se refaire une virginité. Jessie préfère prendre le premier train avec Serge, laissant à Passerose le soin