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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/546

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café, comme on le sent aux abords de certains petits cafés arabes.

Nous montons les degrés ; nous entrons. La fille rousse semble chercher des yeux Beppino, le compagnon habituel, qui n’est point là

Nous prenons le café debout. Albert boit le verre de cédrat qui paraît le dérider.

Quand nous sortons, Manfred et Renée vont devant.

Le quai des Esclavons est blanc de lune. Du café Oriental, à travers les portes closes, nous parvient un son d’instruments à cordes.

Nous accompagnons Manfred Gravina jusqu’à l’Arsenal. Nous allons regarder les lions envoyés en offrande à la Patrie par François Morosini, le conquérant de la Morée. Nous nous attardons à chercher lequel est le plus beau.

Nous nous séparons. Nous repassons le pont.

Nous accompagnons Renée à l’hôtel. Nous sommes tristes comme après une soirée perdue.

Je rentre seul.

Je m’arrête, comme toujours, devant Sainte-Marie-du-Lys et je touche le bas-relief de Zara.

Je pense à mon ami qui est seul, là-bas, de garde, à Saint-André.


21 décembre.

Nuit agitée. Réveillé à trois heures sans pouvoir me rendormir. Je lis jusqu’à cinq heures. Puis je m’endors d’un sommeil sans profondeur.

Par les fenêtres, je vois le soleil qui frappe mon oreiller.

Une journée claire et sans vent : admirable pour entreprendre le grand vol.

Une angoisse obscure est dans mon cœur. J’enrage de perdre cette journée inespérée. Ma pensée se tourne sans cesse vers Saint-André.

Survient Renée.

Je suis si anxieux et taciturne qu’elle me demande : « Qu’as-tu ? « Je ne sais que répondre.

Il est midi moins quelques minutes. Le ciel est bleu. Je regarde les plantes du jardin : le vent est faible. J’entends le ronflement d’un avion qui passe au-dessus du Grand Canal.

Pourquoi tant d’ombre s’épaissit-elle dans mon cœur ? Suis-je malade ?