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Le Grand Conseil fut bientôt (10 mai 1920) transformé en un cabinet régulier, mais qualifié « provisoire ; » on craignait toujours à Angora que les étrangers ne prêtassent aux nationalistes l’intention de renoncer définitivement à Constantinople. Le ministère des Affaires étrangères fut confié à Békir Sami Bey, qui est originaire du Daghestan, et dont la famille joua un rôle important dans la guerre de résistance du Caucase contre les Russes.

Dès la fin de juin 1920, on connaissait en Anatolie les conditions générales de la paix qui devait, bientôt après, être signée à Sèvres : on devine l’impression qu’elles y produisirent. Constantinople chercha alors à se rapprocher d’Angora ; mais Angora regardait de plus en plus du côté de l’Asie. La politique des nationalistes devint plus violente et plus ouvertement xénophobe. Au cours du mois d’août, les derniers agents français étaient obligés de quitter Trébizonde. Quant à nos écoles, elles devaient rester ouvertes encore quelque temps : ce n’est qu’au mois de janvier 1921 que celles de Samsoun et de Sivas furent réquisitionnées et occupées par les troupes nationalistes. Les Italiens semblent avoir été un peu moins maltraités que nous : il est vrai que, depuis le jour où les Grecs étaient débarqués à Smyrne, ils n’avaient point cessé de faire passer en Anatolie des armes et des munitions.

Il n’entre pas dans mon dessein de relater jour par jour la chronique des événements qui se déroulèrent en Anatolie. Les plus importants sont encore dans toutes les mémoires. On sait comment Moustapha Kemal organisa la défense du territoire, laissant agir d’abord des bandes irrégulières, à l’abri desquelles il formait peu à peu une armée solide et disciplinée. Tout en forgeant l’instrument militaire, il ne négligeait point l’action diplomatique. Au mois de février 1921, il chargeait Békir Sami Bey de défendre à la Conférence de Londres la thèse du gouvernement nationaliste. Le ministre des Affaires étrangères d’Angora assumait, conjointement avec les délégués du Sultan, la mission de représenter la Turquie devant les puissances occidentales, et finalement signait avec les gouvernements de la France et de l’Italie deux accords que l’Assemblée nationale ne devait point ratifier.

Puis, les Grecs ayant refusé l’envoi en Asie-Mineure d’une commission d’enquête, que les Turcs avaient accepté, c’est aux