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armes que l’on a recours pour résoudre le conflit. La première offensive hellénique vient se briser à Inn-Eunu contre la résistance des nationalistes. La seconde, entreprise trois mois et demi plus tard avec des moyens beaucoup plus puissants, et conduite par le roi Constantin lui-même, débute par une série de victoires : les Grecs occupent Kutahia, Eski-Chehir, Afioum-Karahissar, et s’avancent jusque sur la ligne du Sakaria. Mais les efforts qu’ils font pour passer ce fleuve et poursuivre leur marche vers Angora aboutissent à un échec complet. Les contre-attaques des nationalistes obligent les Hellènes à abandonner le terrain conquis, pour se retirer sur leur ligne de départ du mois de juillet. Les Anglais, qui avaient largement pourvu l’armée grecque de moyens financiers, matériels et techniques, sont les premiers à reconnaître que l’affaire est manquée ; pour ce qui est de la reprendre, ni l’état des troupes hellènes, ni les dispositions de l’esprit public en Grèce ne permettent d’y songer. Le gouvernement d’Athènes envoie M. Gounaris à Rome, à Paris et à Londres, pour s’enquérir des conditions auxquelles les puissances alliées offriraient leur médiation. Cependant Moustapha Kemal, fortifié par le prestige d’une résistance victorieuse, maintient énergiquement les prétentions inscrites aux programmes d’Erzeroum et de Sivas, recrute de nouvelles troupes, augmente et perfectionne son matériel de guerre, proclame enfin qu’il ne déposera les armes qu’après que le dernier soldat hellène aura évacué l’Asie-Mineure et la Thrace, et que l’indépendance et l’intégrité de la Turquie auront été reconnues sans restriction ni réserve.

Je voudrais mettre en lumière une autre face de cette histoire, et marquer les phases principales de la lutte intérieure qui mettait aux prises, à Angora, les partisans de deux systèmes politiques opposés. Dès l’origine du mouvement, au Congrès d’Erzeroum, l’antagonisme se révèle, entre Moustapha Kemal et ses amis, qui ne se soucient pas de rompre complètement ni avec Constantinople, ni avec les puissances occidentales, et les intransigeants qui, au contraire, sont tout prêts à sacrifier la Turquie d’Europe, déclarent que l’avenir de leur pays est en Asie, et, décidés à lutter contre l’Occident, cherchent un appui à l’Est : en Perse et en Afghanistan, au Caucase et en Russie. La question demeure ouverte encore aujourd’hui, et il s’agit de savoir si ce sont les « Orientalistes » ou les « Occidentalistes »