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s’agite et se dévoue ; elle construit des logements salubres pour les ouvriers, ouvre une cuisine économique, un chauffoir, fonde une fabrique de gants, organise dans les appartements du château des salles de lecture et de récréation.

La description de ces réformes s’accompagne de demandes répétées de conseils et d’assistance littéraire. La princesse n’entend pas seulement poursuivre son apostolat par le geste, mais veut aussi le réaliser par la plume. Elle médite une Histoire des municipes italiens, pour quoi elle fait entreprendre des recherches : prépare un Tableau de l’Italie moderne dont elle demande à Augustin Thierry de lui tracer le plan. De 1844 à 1848, en effet, celui-ci va être plus ou moins l’inspirateur des articles que sa lointaine amie enverra, sous de prudents pseudonymes, à la Revue des Deux Mondes ou à la Revue Indépendante. Il recourt, sans se lasser, à son influence sur François Buloz pour les lui faire accepter, en retouche le style, en revoit les épreuves.

Cependant que Christine Belgiojoso se dépense ainsi à Locate, que devient son « frère-enfant » à Paris ?

La séparation, la solitude où il est retombé ont ravivé sa douleur mal assoupie. Ses premières lettres le montrent en proie au découragement, « plein de langueur et de défaillance, » incapable de se remettre au travail.

« Pour ce qui me regarde, confesse-t-il, je ne puis encore rien faire de bon ; je cause quand j’en trouve l’occasion, je me fais lire et voilà tout. Je corrige des brouillons de notices que m’apporte M. Bourquelot, deux ou trois fois par semaine, mais mon Introduction reste au même point. »

Malgré les instantes prières qu’elle leur a adressées avant son départ, les brillants amis de la princesse délaissent l’infirme dans sa morose thébaïde ; ses intimes eux-mêmes, Mignet, Villemain. Ary Scheffer ne témoignent pas non plus d’un grand empressement.

L’abandon surtout de ce dernier blesse Augustin Thierry qui le tient en affection profonde et l’amertume qu’il en conçoit se trahit dans ses reproches attristés :


« Mon cher Ary,

« Il y aura dimanche trois mois que vous êtes venu dire adieu à la princesse et que, par la même occasion, vous m’avez