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ou un article de commerce. » Certes, nous ne songeons pas à proclamer identique le travail intellectuel ou manuel de l’homme et le produit matériel de ce travail, né de la conception d’un inventeur et de l’exécution par un manœuvre.

Cependant nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que la vie de l’humanité est faite de marchés dans lesquels le travail s’achète et se vend. Lorsque Pasteur recevait à l’Ecole normale le prix des leçons qu’il y professait, ou lorsque le maçon touche le salaire de la journée au cours de laquelle il a édifié le mur d’une maison, le premier donnait sa science, et le second dépense sa force musculaire contre une rémunération en argent. Si ce n’est pas un acte de commerce, c’est tout au moins un acte d’échange, sans que pour cela le mérite ni la valeur de l’enseignement du grand savant ou de l’effort du tailleur de pierres se trouvent le moins du monde diminués.

Il est bien peu d’actes de notre existence qui n’impliquent pas l’utilisation de notre travail en vue de l’obtention d’une récompense matérielle, qui en est le prix direct ou indirect. C’est là un commerce qui n’a rien de contraire à la dignité humaine. En dehors du nombre très restreint d’hommes, qui, ayant hérité d’un capital, lequel d’ailleurs n’était lui-même que du travail accumulé, peuvent, pendant un certain temps, vivre du produit de ce capital, sans y ajouter un effort nouveau, l’universalité des êtres humains gagne sa vie, c’est-à dire vend son travail.

Ajoutons que beaucoup d’hommes qui ont travaillé pendant une partie de leur existence passent, à un certain âge, par suite de l’organisation moderne des retraites, de la première dans la seconde catégorie. On connaît le développement considérable pris par ces institutions, soit que l’Etat intervienne, soit que les employeurs particuliers organisent les Caisses qui serviront des rentes à leur personnel au fur et à mesure qu’il acquiert le droit au repos. Si les retraites ouvrières et paysannes, créées par la loi de 1910, ne fonctionnent pas encore dans la mesure espérée par le législateur, les compagnies de chemins de fer, les charbonnages, la Banque de France, de nombreuses entreprises privées servent à leur personnel, après qu’il a quitté leur service, des retraites souvent élevées. Tous les fonctionnaires de l’Etat et des administrations publiques sont dans le même cas. On sait quelle fraction de plus en plus grande ils