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que ces formes sont essentiellement variables, qu’elles ne se manifestent pas également à toutes les époques de l’année, qu’il est des besognes dont l’ordre est commandé par les lois naturelles et ne saurait se plier au joug d’une règle uniforme, que d’autre part le mot travail sert à désigner des efforts d’une intensité bien différente les uns des autres, qu’il n’y a par exemple aucune comparaison à établir entre le labeur d’un métallurgiste qui manie des lingots d’acier à une température de 1 500 degrés et celui d’un garde-barrière qui, en vingt-quatre heures, regarde passer deux trains montants et deux trains descendants.

Voyons maintenant quelles ont été, dans la pratique, les effets de ces mesures. Il nous suffira de passer en revue quelques-unes de nos principales industries pour constater le désordre qu’elles ont provoqué.


III. — EFFETS DE LA LOI DE HUIT HEURES DANS QUELQUES INDUSTRIES FRANÇAISES

Commençons par les chemins de fer, cette industrie essentielle, de laquelle toutes les autres dépendent. La mesure fut mise en vigueur au moment le plus critique, alors que le parc national de matériel était amoindri de près d’un septième du nombre de wagons et de voitures qu’il comptait au début des hostilités et qu’il était en fort mauvais état d’entretien : le chiffre moyen des locomotives réformées s’était accru dans la proportion de 1 à 12, celui des wagons de 1 à 10 et demi. La reprise de la vie économique exigeait cependant un trafic intense et un redoublement d’activité. C’est l’heure que l’on choisit pour limiter la durée du travail. Les réseaux émirent, à l’unanimité, l’avis que la loi ne pourrait être appliquée intégralement sans porter un grave préjudice au régime des transports : ils n’en durent pas moins s’incliner et modifier de fond en comble les conditions d’exploitation.

La loi de huit heures a nécessité une augmentation brusque de plus de 100 000 agents, dont 10 000 pour la seule catégorie des mécaniciens et chauffeurs. L’effectif s’est accru dans la proportion de 25 à 32 pour 100 pour les agents des gares, de 30 à 37 pour 100 pour les agents des trains, de 40 à 42 pour 100 pour les mécaniciens et chauffeurs. En même temps, la