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dépense moyenne par agent passait de 2 160 francs avant la guerre à 6 632 francs. Les frais du personnel ont représenté, en 1920, 58 pour 100 des recettes d’exploitation, au lieu de 36 pour 100 en 1913.

Cette multiplication des emplois, loin d’améliorer le trafic, a amené une diminution du rendement. Il a fallu instantanément élargir les cadres et recruter du personnel à tout prix. La nécessité d’assurer le service a fait abaisser les périodes de stage. C’est ainsi que le certificat d’aptitude a dû être accordé aux mécaniciens au bout de quelques mois, au lieu de trois ou quatre ans. Les résultats inévitables n’ont pas tardé à se faire sentir ; le nombre des accidents s’est accru. Au lieu de 61 tués et 412 blessés en 1913, il y a eu 122 tués et 1 164 blessés en 1920. D’autre part, les vols, pertes et avaries ont passé de 17 millions de francs en 1913 à 242 millions de francs en 1920 ; cette formidable aggravation est due en grande partie à l’inexpérience des agents ; des hommes insuffisamment préparés encombrent les services, où ils mènent une vie de paresse obligatoire. Leur nombre a été doublé dans mainte petite gare où il passe un ou deux trains par jour. Aux heures de désœuvrement, les employés exercent un second métier et contribuent ainsi à augmenter le chômage parmi ceux dont ils prennent la place. Une protestation du syndicat des ouvriers tonneliers de la Seine a été significative à cet égard : beaucoup de tonneliers, disait-elle, ne peuvent trouver de travail, parce que leur place est prise, dans les chais et les magasins, par des bénéficiaires de la loi de huit heures, et en particulier par des cheminots. L’augmentation de l’effectif de ceux-ci a eu pour résultat de faire abandonner les campagnes par un grand nombre d’ouvriers agricoles. Un préfet écrivait à une compagnie de chemins de fer que « si elle continuait à drainer les ruraux, le jour arriverait vite où la population ouvrière de la campagne serait tellement réduite que la terre ne pourrait plus être cultivée. » Cette remarque s’applique d’une façon générale à toutes les augmentations d’effectifs d’ouvriers industriels provoquées par la loi de huit heures. M. Jeanneney, rapporteur au Sénat du budget des Chemins de fer de l’Etat, a déclaré « qu’enlever aux campagnes, comme on l’a fait, des travailleurs dont elles ont tant besoin, pour surpeupler et encombrer des bureaux et des gares, pour les y entretenir, faute de travail, dans une