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créée par la loi que cette latitude laissée aux ouvriers de travailler autant qu’ils le veulent, pourvu que ce ne soit pas plus de huit heures chez un même patron ? Est-ce ainsi que le législateur croit protéger la santé de l’ouvrier et ménager ses forces ?

Il est peut-être difficile de demander aujourd’hui une abrogation de la loi, qui apparaît comme tutélaire aux yeux de la foule. Mais il est permis d’en réclamer une application conforme à l’esprit et même à la lettre de son texte. Or il semble bien que, partout où la nécessité s’en fait sentir, les règlements d’administration publique, autrement conçus et rédigés qu’ils ne l’ont été, amélioreraient la situation. Tout d’abord, ils peuvent prescrire des périodes au cours desquelles la durée du travail, tel qu’il était pratiqué avant le 23 avril 1919, ne serait ramenée qu’en une ou plusieurs étapes à la limitation nouvelle. D’autre part, des dérogations permanentes devront être autorisées pour les catégories d’agents dont le travail est essentiellement intermittent. On sait combien ces catégories sont nombreuses, par exemple dans l’industrie des chemins de fer, pour lesquels maint passage de la loi semble avoir été rédigé. Des dérogations temporaires sont admises pour des surcroîts de travail extraordinaire. N’y a-t-il pas lieu d’appliquer ces dérogations, chaque fois par exemple que des commandes pressantes nécessitent une production plus intense ?

Il faudrait que plus de souplesse fût donnée à la législation, que, en dehors des dérogations qui découlent du texte même de la loi de 1919, toutes celles sur lesquelles patrons et ouvriers, employeurs et employés se seraient mis d’accord fussent autorisées. Pourquoi refuser à des hommes majeurs, citoyens libres, le droit de faire entre eux telles conventions qu’ils jugent opportunes ? En dehors de l’abrogation pure et simple, ou de la transformation des règlements, une troisième solution, qui consisterait à suspendre provisoirement l’application de la loi du 23 avril 1919, présenterait de sérieux avantages. En rendant la liberté au monde du travail, par exemple pour les trois années à venir, on provoquerait un sentiment de soulagement chez tous ceux qui souffrent de la réglementation tyrannique et méticuleuse qui a si gravement altéré les conditions de fonctionnement d’un grand nombre d’industries. Et que l’on ne croie pas que les patrons sont les seules victimes de cette erreur. Les ouvriers ne sont pas les derniers à ressentir directement