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été établi à douze millions de francs. Mais les matériaux et la main-d’œuvre ont augmenté dans de telles proportions que l’on parle maintenant de dix-huit millions. Vraisemblablement, on atteindra les vingt millions. Quand les travaux seront terminés, on aura, comme par un miracle, transporté en plein New Haven une véritable petite ville médiévale, avec ses rues, ses places, ses jardins et ses tours élancées, le tout dans le plus pur style gothique du XVe siècle. Ce sera magnifique et bien fait pour répandre au loin la gloire de Yale, Université puissante entre les puissantes ! Mais pour élever cette merveille, il a fallu abattre le Pierson Hall, le Peabody Institute qui, eux aussi, étaient les témoins de la pieuse affection que Yale garde à ses bienfaiteurs et à ses hommes illustres. Ainsi l’a voulu le besoin de toujours se surpasser. Et sous ces décombres ont été à jamais enfouis les souvenirs qui auraient permis aux générations futures de fortifier en elles le respect de ce qui n’est plus, et de satisfaire ainsi l’un des instincts les plus essentiels de l’homme cultivé. Je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a quelque chose de pathétique dans le spectacle de cette Université qui fait effort pour se créer des traditions, mais se voit obligée, pour marcher avec son siècle, de détruire indéfiniment les témoins de son passé.


LE DÉVELOPPEMENT ET LA FORTUNE D’UNE UNIVERSITÉ AMÉRICAINE

À ces renouvellements continuels, l’Université, par ailleurs, gagne une vitalité prodigieuse. Il y a les éléments d’une épopée dans l’histoire de son développement, — histoire dont les chapitres se lisent sur ses innombrables bâtiments. Car le vieux Campus, même si on lui adjoint le Harkness Memorial, ne constitue qu’une petite partie de Yale. Il me faut presque une journée pour visiter tous les halls, dormitories, écoles, laboratoires, etc., qui sont sortis du sol avec une étonnante rapidité dans les quinze dernières années, faisant éclater les limites primitives et se répandant au travers des espaces libres de la ville. Voici d’abord, en face du Harkness Memorial, de l’autre côté de Elm Street, le Gymnase et l’École d’Artillerie, auprès de laquelle est blottie, dans une petite maison, — serait-ce un symbole ? — le laboratoire de Psychologie expérimentale. Un peu plus loin, toujours sur Elm Street, faisant face au côté septentrional du Campus, s’étend le Berkeley Oval, ainsi nommé en souvenir de l’évêque