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et leur présence est suffisante pour assurer l’ordre et la bonne tenue.

Les étudiants ne sont pas d’ailleurs à plaindre. Ces dortoirs n’ont rien de commun, en dehors du nom, avec les lugubres salles où s’entassent les élèves de nos lycées. Ils ont été, pour la plupart, bâtis par de riches donateurs qui ont voulu procurer à la jeunesse studieuse quelque chose du luxe dont ils jouissaient eux-mêmes. Les prix varient : les plus aisés peuvent, s’ils le désirent, avoir plusieurs pièces et mettre au loyer de leur appartement jusqu’à six cents dollars par an. Mais on trouve des chambres à soixante dollars seulement. Le plus souvent les étudiants logent à deux ou à trois. Une « living-room » sert de pièce commune pour lire et recevoir ; les chambres à coucher sont individuelles. Chacun devant meubler son propre appartement, on s’ingénie à lui donner un air coquet et confortable. Des fauteuils profonds accueillent l’étranger, et invitent aux longues causeries. Sur les murs des photographies d’êtres chers, d’une sœur, de la « girl » ou des « girls » préférées ; des gravures aussi, scènes de sport, vues du vieux Yale ; et bien haut, dominant la pièce et comme pour la protéger, une bannière aux couleurs de l’école où l’étudiant a été élevé ; enfin, le long et à hauteur de la fenêtre à guillotine, une large planche, assez semblable à une étagère, sur laquelle sont empilés des coussins multicolores. C’est là que l’occupant de la chambre passera le meilleur de son temps quand il restera chez lui. Et c’est, à certaines heures de l’après-midi, un spectacle curieux que de distinguer derrière les vitres, à demi enfouie dans les coussins, la forme vague de ces adolescents, paresseusement couchés sur le dos, les genoux au menton, un livre sous le nez, pendant que les yeux alertes surveillent le Campus. Qu’un malin observe quelque chose d’anormal et l’on entend un coup de sifilet, un cri sauvage. Aussitôt, derrière chaque fenêtre c’est la résurrection brusque de tous ces corps étendus ; des têtes curieuses se penchent au dehors, sifflant, hurlant. Puis quand le besoin d’espièglerie est satisfait, les bustes retombent, les genoux se rapprochent du menton, et la lecture reprend.

J’ai entendu discuter en Amérique la valeur de cette vie en commun. Les étudiants sérieux regrettent de ne pas être mieux protégés contre les visites intempestives des oisifs ou contre le vacarme qui, à certaines heures, ébranle la maison du haut en