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bas. Les autres se plaignent de la contrainte en laquelle on les tient. Les professeurs, de leur côté, font remarquer qu’il n’est pas sage d’exposer des jeunes gens, dont beaucoup sont encore des enfants, aux tentations de la vie. En un temps où l’on n’avait pas assez de dormitories pour loger tous les étudiants du Collège, on avait recours à des gens de la ville qui louaient des chambres. La morale y perdait. On ajoute que ce système a cela de bon qu’il apprend au jeune homme à supporter ses semblables, but suprême de toute éducation. Il me semble aussi que ce frottement journalier a le grand avantage d’empêcher les étudiants de vieillir trop tôt. La jeunesse a besoin pour se maintenir de se retremper incessamment en elle-même. C’est en grande partie à cette action d’individualités exubérantes les unes sur les autres qu’est due cette boyishness que les Américains conservent pendant tout le cours de leurs études et souvent même longtemps après. Chaque fois que je traverse ce Campus, tout animé de visages juvéniles, je ne puis m’empêcher d’évoquer le souvenir de ce que fut notre vie d’étudiants à nous : la chambre garnie, aux meubles usés par des générations d’hôtes de passage ; les rencontres hâtives et les quelques paroles toutes chargées de préoccupations scolaires échangées rapidement entre deux cours ; comme délassement, la « manille » dans une salle empestée et bleuie de fumée ; et puis, la solitude dans des réduits sans agrément et sans intimité.


MŒURS UNIVERSITAIRES. — UN « RUSH. »
LE « MATRICULATION SERVICE »

J’ai été, à un jour d’intervalle, le témoin de deux scènes que je veux noter, car elles ne sont pas seulement pittoresques, mais profondément significatives. La première se passe dans le Campus à huit heures du soir. Depuis quelque temps des bruits couraient un peu partout : un « rush » allait avoir lieu. C’est une vieille pratique, abandonnée pendant la guerre, et que les étudiants veulent remettre en honneur. Elle est née de la rivalité qui existait autrefois entre freshmen et sophomores. Ceux-ci ont toujours voulu exercer sur les nouveaux une sorte de tyrannie. Et les querelles entre les deux classes étaient, dans le vieux Yale, pour ainsi dire continuelles. Quand des sophomores croisaient des étudiants de première année, ils ne manquaient