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derrière un groupe de spectateurs qui se referme sur lui pour cacher sa honte. Un grand garçon est retiré avec difficulté de la masse hurlante. Il est sans connaissance. On l’étend à l’écart, et des amis essaient de le faire revenir. Mais cet incident qui pourrait être tragique passe inaperçu, ou personne n’y prend garde. La lutte n’en continue pas moins ardente. Les deux troupes entremêlées, se tordant comme un monstrueux nid de serpents, avancent, reculent. Elles se détachent pour reprendre haleine, puis se précipitent de nouveau l’une sur l’autre. Une autre foule, composée des étudiants plus anciens auxquels se mêlent quelques professeurs venus pour revivre leur jeunesse, flue et reflue elle aussi. Chacun suit les péripéties du combat, les mâchoires serrées. Enfin, après une demi-heure d’efforts, le rush prend fin. Les sophomores, semble-t-il. moins nombreux, ont été acculés à la terrasse de Wright Hall, sur laquelle ils sont réfugiés. Et les vainqueurs saluent leur triomphe du cri de guerre de Yale, ponctué de celui de la classe


Rah-rah-rah-rah-rah-rah-rah !
Twenty-three, twenty-three !


poussé d’une voix rauque, pendant que les poings battent l’accompagnement à grands coups sur le sol.

La seconde scène est bien différente. C’est un dimanche, un dimanche lumineux et doux de la fin de septembre. Comme décor la grande salle de l’Université, Woolsey Hall, une salle toute blanche, de style classique, sans autre ornement que les écussons des différentes promotions de Yale et les sculptures répandues à profusion sur les murs. Un drapeau étoilé, largement déployé devant le grand orgue, dans le fond, met la seule note de couleur gaie dans ce grand vaisseau, mélange inanalysable de luxe et de sévérité froide. Le « matriculation service, » ou service religieux à l’occasion de la rentrée, va avoir lieu. Ces mêmes jeunes gens qui, hier soir, luttaient si sauvagement sont là calmes et paisibles. Leur altitude est parfaite. Ils obéissent docilement aux indications des moniteurs et gagnent en silence les places qui leur sont réservées au rez-de-chaussée. Ils sont recueillis et prennent évidemment au sérieux la cérémonie qui va avoir lieu. Dans les tribunes, les professeurs et leurs familles sont presque tous présents.