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Brusquement les grandes orgues éclatent. Un adagio de Louis Vierne étale son ample phrase, qui vient comme s’enrouler majestueusement autour de la salle, et presque en même temps, par une porte sur le côté de l’estrade, entrent le Président et les Doyens. Ils sont revêtus de la robe académique, une robe noire, presque ecclésiastique, sans un ornement, sans la moindre touche de couleur. Sur leur tête, le bonnet carré des Universités anglaises, cette coiffure qui tient de la barrette et de la czapska, toute noire elle aussi avec son gland de soie qui ballotte sur le côté. Ils défilent lentement, réglant leur pas sur la phrase de l’orgue. Contre la blancheur des murs, le noir de leur personne se détache et parait encore plus foncé, d’une profondeur funèbre. Ils sont grands, pour la plupart, et minces, et du lointain où je suis, leurs corps semblent s’étirer comme des personnages du Greco. Graves, presque austères, ils s’arrêtent face au public, devant les chaises qui leur sont assignées et qui se réfléchissent en ombres brunes et obliques sur le parquet nu, luisant comme une glace.

Quand l’orgue a lancé ses dernières notes en un large crescendo de triomphe, le doyen de la Faculté de Théologie s’avance sur le bord de l’estrade et récite le Pater. Puis l’orgue entonne l’hymne :


Des choses glorieuses sur toi ont été rapportées,
O Sion, cité de notre Dieu,


que la salle tout entière chante avec ferveur. Encore une prière pour attirer l’inspiration divine sur l’assemblée ; un second hymne en lequel tout le monde communie


Éveille-toi, mon âme, tends tous tes nerfs ,
Et presse de l’avant avec vigueur ;


et enfin le Président, du haut de la chaire dressée en avant de l’estrade, commence son sermon, — un sermon laïque mais tout vibrant de paroles bibliques. Il s’adresse surtout aux jeunes gens, à ces esprits neufs qui viennent chercher à Yale non seulement l’instruction, mais aussi des règles de conduite dans la vie. Il passe en revue les qualités qui font l’homme fort et juste ; il leur révèle les beautés séduisantes de la vertu...

Mais déjà je n’écoute plus. (Puisse l’éloquent président de Yale me pardonner, si ces pages tombent sous ses yeux !). L’impression