nous fait la salutation la plus courtoise. Malgré son âge, la beauté de cet Arabe retient l’attention. La nature lui donna tous les attributs physiques d’un chef ; la stature et le profil impérieux. Lorsque ses yeux de velours noir se fixent sur un homme du peuple, ils ont une telle autorité qu’ils doivent obtenir aussitôt l’obéissance. Le nez cartilagineux, dans le prolongement d’un front élevé et fuyant, a la courbure d’un yatagan. Le menton, d’un ovale allongé, s’avance au-dessus d’un cou svelte, le cou de ces cavaliers sahariens qui appréhendent l’embuscade et considèrent sans cesse les quatre points cardinaux où la mort rôde. Bleuies par le « koheul, » les paupières de ce seigneur africain lui donnent une trouble expression qui ravit les fellahs, simples d’esprit, car ils veulent y voir une preuve des macérations de ce marabout. Il est nécessaire, en terre d’Islam, qu’un dévot personnage présente l’aspect d’un homme consumé par l’ardeur de ses pieuses veilles.
Après s’être courbé respectueusement, le cheick invite ben Chélia à vouloir bien accepter une tasse de café en l’appartement qu’il occupe dans les dépendances de la mosquée.
Avec la mine d’un roi accordant une grâce à l’un de ses humbles sujets, le vieillard, frappant sur sa crosse, nous précède.
Au centre du patio blanc et azur sur lequel ouvrent les chambres habitées par le doux cheick, notre hôte, un jet d’eau murmure, puis se tait, disparait comme intimidé et reprend de a voix.
Les ferronneries qui s’ajustent aux encadrements en marbre des ouvertures, sont voilées de tentures d’un jaune de pollen. Quelques petites perruches, à gorges vermillon, bavardent dans des cages en forme de chapelles coraniques aux grillages dorés. Des cyprins d’écarlate tournent dans la vasque du jet d’eau où quelques pots d’arum se baignent. Le silence n’est traversé que par la psalmodie monotone des « sourates « qui nous arrive parfois de la mosquée. En cette quiète atmosphère blanche, bleue et safranée, nous sommes assis sur des bancs à fuseaux, dans une salle céramiquée aux scintillements de gemmes. Au-dessus de nos têtes les étagères bariolées exposent des faïences hispano-moresques aux reflets de feu et d’or. Une négresse, en tunique coquelicot, apporte dans une aiguière niellée d’argent, au long col de flamant, le breuvage parfumé. Le seigneur