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vieux lyriques, » de continuer Pindare et Horace. Il a vingt-cinq ans.

Les savants, autour de lui, découvraient l’Antiquité. Des poètes, que l’on n’avait pas lus depuis des siècles, renaissaient. Et quand renaît Anacréon, par exemple, Ronsard en a une allégresse telle qu’il vient à ne plus tant aimer Pindare. L’Antiquité avait alors une exquise fraîcheur de nouveauté. Il fait un rêve : si les poèmes de Sapho allaient reparaître ! Il ne veut pas mourir avant cela :


Mon Belleau, si cela par souhait avait lieu,
Je ne voudrais pas être au ciel un demi-dieu
Pour ne lire en la terre un si mignard ouvrage !


Et le doux Simonide ? Et Bacchylide, Alcée et Stésichore ? Vont-ils reparaître au jour avant que Ronsard ne soit mort ?...


Nous les lirons exprès
Pour choisir leurs beaux vers pleins de douces paroles...
Mais Dieu ne le veut pas, qui couvre sous la terre
Tant de livres perdus, misères de la guerre,
Tant d’arts laborieux et tant de gestes beaux
Qui sont ores, sans nom, les hôtes des tombeaux !...


Ne dirait-on d’une variante au regret : que Brantôme a proclamé sur le trépas (je crois) de Diane de Poitiers ? « C’est dommage que la terre couvre un si beau corps ! » Brantôme, qui « entendait le grec autant comme le haut allemand, » se connaissait à la beauté des femmes davantage. Et Ronsard : « C’est dommage que la terre couvre un si beau livre ! » Un si beau livre, de Sapho, de Stésichore, d’Alcée, de Simonide le doux, et de Bacchylide.

Or, quand Ronsard déplorait la mort et l’ensevelissement des livres et des précieux « chantres grecs, » son ami Henri Estienne préparait l’édition des Fragments de neuf poètes, princes de la poésie lyrique, ceux-là même que regrettait Ronsard entre tous. Il dut les imprimer trois fois, de 1560 à 1567. Et Ronsard, avant d’être au ciel un demi-dieu, put contenter sa curiosité d’humaniste.

Il a lu, il a étudié toute la littérature ancienne connue de son temps. Son érudition, dit M. de Nolhac, est d’une étonnante richesse ; et l’on s’en aperçoit si l’on essaye de repérer les sources de ses poèmes.

Le Discours sur l’équité des vieux Gaulois conte ceci. Pour suivre un aimable Gaulois, une femme a quitté son Milésien de mari. Passe quelque temps et le Milésien, qui a fait le voyage, vient réclamer l’infidèle. Que fera le Gaulois ? L’infidèle, et si amoureuse, l’engage à