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souple à-propos de cette intéressante erreur et devient député des ouvriers de Nancy. Et ceux-là seuls en furent surpris qui ne savent pas ce que c’est que le dilettantisme »[1].

L’explication n’est pas inexacte, mais elle est insuffisante. Avec toutes ses faiblesses et ses misères, le boulangisme a été un sursaut de l’orgueil national français contre les empiétements et les insolences de l’Allemagne. À ce titre, il ne pouvait manquer de séduire le jeune écrivain qui, vers ce temps-là, en des pages qui frappèrent M. Lavisse, venait de « découvrir » sa Lorraine natale, et, impatient du joug étranger, cherchait, au fond, à se « libérer » de l’influence germanique. Il dut voir dans la politique active un moyen de réaliser son nouvel idéal. Et, certes, cela pouvait paraître une contradiction de la part d’un homme qui ne cessait d’afficher son mépris des politiciens. Mais il en est de la politique comme de la métaphysique, d’après Aristote : même pour la nier, il faut en faire. Pour détruire, — ou épurer, — le parlementarisme, il faut être parlementaire. Et une occasion s’étant présentée, après une énergique campagne, M. Maurice Barrès entra au Parlement. Pareillement, il n’y a pas lieu de beaucoup s’étonner que « l’humoriste renchéri » du Jardin de Bérénice ait eu quelque faiblesse pour le socialisme. Les aristocrates de pensée, bien plus que les esprits « bourgeois, » ont souvent de ces inconséquences ou de ces générosités-là Ils reprennent volontiers à leur compte le fameux mot de La Bruyère : « Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple. » M. Barrès, lui aussi, a voulu être peuple ; et Ariel, une fois de plus, s’est fait le porte-parole de Caliban.

Ce que furent, dans cette première législature, son rôle et son action à la Chambre, il est assez difficile de le dire : dans les grandes foules anonymes, les efforts individuels, sauf exceptions assez rares, se perdent et se volatilisent. Mais ce qui est sûr, c’est que, dans ce nouveau milieu, sont écloses ou se sont précisées quelques-unes de ses idées essentielles : son « nationalisme, » entre autres, et ses théories décentralisatrices. Surtout, il a pu y observer, sur le vif, des mœurs, des passions et des caractères que, jusqu’alors, il n’avait connus que par les livres, et, en essayant de les peindre, il se découvrit un genre

  1. Article cité sur l’Ennemi des Lois (Figaro, 22 novembre 1892).