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des siècles de persécution, les meilleurs de ses fils ont saigné tout le sang de leurs veines, martyrs de la religion. Le pain était arraché aux enfants d’Irlande et ses hommes mouraient de faim le long des routes. La tyrannie et le besoin les chassaient par myriades, aux quatre coins du monde. Mais partout où ils se traînaient, ces exilés, ils témoignaient de leur foi : avec les épargnes gagnées par leur sueur et leur travail, ils ont doté la surface de la terre de temples pour te louer. Seigneur. Combien de temps, mon Dieu, l’Irlande doit-elle souffrir encore ? Pendant des siècles, elle fut la plus proche de la croix de ton Fils crucifié. Nous te prions, afin qu’ayant été comme lui fixée au bois de la croix, comme lui elle soit relevée par toi du milieu des morts.


Le pontificat de Benoît XV a vu s’exaucer ces deux prières. Deux nations dont les infortunes politiques étaient souvent apparues comme le châtiment même de leur fidélité catholique ont enfin commencé de connaître ou d’entrevoir l’heure réparatrice. Et comme naguère l’Eglise persistait à les assister outre-tombe, elle s’est dressée devant leur résurrection, sentant qu’avec elles quelque chose d’elle-même ressuscitait. En cette année 1917 où l’Allemagne s’était flattée d’assurer à l’Eglise de Luther, sur le sol même de Rome, une installation somptueuse, la Pologne, redevenue personne politique, rentrait dans le sanctuaire qu’en 1580 le pape Grégoire XIII avait offert à ses fils polonais et dans L’hospice que près de là ils s’étaient construit. La diète polonaise, en février 1919, s’ouvrait à la cathédrale de Varsovie par une liturgie que célébrait le futur cardinal Kakowski ; et le futur cardinal Dalbor bénissait solennellement la salle de ses séances. La vie publique de la Pologne nouvelle s’inaugurait ainsi par un culte public. Les héritiers dépossédés de ce qui avait été la Pologne avaient, cent vingt ans durant, en priant ensemble, gardé le sentiment d’être un peuple ; aujourd’hui qu’ils rentraient en libre possession de leur sol et de leur nom, de leurs gloires et de leur Dieu, les prières de l’Etat prolongeaient naturellement les prières du peuple, comme l’état de gloire prolonge l’état de grâce.

Cependant continuait de s’élever, de plus en plus âpre, la plainte de l’Irlande, et les mandements de ses évêques prenaient un accent de réquisitoires qui n’admettaient plus de délai. Mgr O’Sullivan, consacré évêque de Killarney en janvier 1918, se présentait devant ses diocésains comme tribun de leurs libertés, parce que pasteur de leurs âmes. « L’œuvre d’un prêtre