Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/812

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissions agir encore pour conjurer la disgrâce de M. Sazonow ?

— Peut-être.

— Mais que faire ?

Pour fixer nos idées, je prie Nératow de préciser les renseignements qui l’ont si justement inquiété :

— La personne de qui je tiens ces renseignements, nous dit-il, a vu le projet de lettre que Sa Majesté a ordonné de préparer et qui, libellé d’ailleurs en termes amicaux, relève simplement M. Sazonow de ses fonctions pour raisons de santé.

Je m’empare de ces derniers mots, qui me paraissent offrir aux ambassadeurs de France et d’Angleterre un légitime prétexte d’intervention. Puis, m’étant assis quelques instants à la table de Nératow, je rédige un télégramme que nous adresserions simultanément, Buchanan et moi, aux chefs de nos missions militaires à Mohilew, en les invitant à le placer sous les yeux du ministre de la Cour. Voici ce télégramme :

On me rapporte, que la santé de M. Sazonow l’aurait déterminé à offrir sa démission à Sa Majesté. Veuillez vérifier très officieusement cette nouvelle auprès du ministre de la Cour.

S’il en est ainsi, veuillez exposer d’urgence au comte Fréederickz qu’une parole réconfortante de Sa Majesté obtiendrait sans doute de M. Sazonow un nouvel effort, qui lui permettrait de mener sa tâche à terme.

Mon collègue d’Angleterre (... de France) et moi, nous ne pouvons pas en effet ne pas être émus par la pensée des commentaires que la démission du ministre des Araires étrangères de Russie ne manquerait pas de provoquer en Allemagne ; car la fatigue dont il souffre actuellement ne suffirait certes pas à justifier sa retraite.

A cette heure décisive de la guerre, tout ce qui risque d’apparaître comme un changement dans la politique des Alliés pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses.

Nératow approuve entièrement ce télégramme. Nous rentrons aussitôt, Buchanan et moi, à nos ambassades, pour l’expédier à Mohilew.


Dans l’après-midi, je recueille, à bonne source, quelques indications sur l’intrigue ourdie contre Sazonow. Mon informatrice ne sait pas encore à quel point les choses en sont venues et je me garde de le lui apprendre ; mais elle me dit :