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en leur prenant 60 000 hommes. Depuis le début de cette vaste opération, les Russes ont fait ainsi 345 000 prisonniers.

En Arménie, les Turcs, chassés d’Erzinghian, fuient vers Karpout et Siwas.


Mardi, 1er août.

Briand me télégraphie :

Quant à la déclaration de guerre de la Roumanie à la Bulgarie, j’estime comme sir Edward Grey et d’accord avec le général Joffre, que nous pourrions en dernière analyse ne pas exiger une déclaration de guerre immédiate à la Bulgarie ; car il est tout à fait probable que les Allemands pousseront les Bulgares à attaquer tout de suite les Roumains et il sera loisible aux divisions russes d’engager les hostilités.

Il est tout à fait probable également que les Roumains, n’ayant pas préparé leur action au Sud du Danube et ayant concentré la masse de leurs forces dans les Carpathes, recevront un mauvais coup des Bulgares.



Jeudi, 3 août.

Sazonow, revenu de Finlande et qui a fait hier ses adieux au personnel du ministère des Affaires étrangères, vient me voir.

Longue et affectueuse causerie. Je le trouve tel que j’étais sûr qu’il serait : calme, digne, sans la moindre amertume, heureux pour lui-même de son indépendance reconquise, affligé et inquiet pour l’avenir de la Russie.

Il me confirme tout ce que j’ai appris sur les circonstances de sa disgrâce :

— Voilà un an, me dit-il, que l’Impératrice m’est hostile. Elle ne m’a jamais pardonné d’avoir supplié l’Empereur de ne pas prendre le commandement des armées. Elle a tant insisté pour obtenir mon renvoi, que l’Empereur a fini par céder. Mais pourquoi ce scandale ? Pourquoi ce coup de théâtre ? Il était si facile de préparer ma démission sous le prétexte de ma santé ! Je m’y serais prêté si loyalement !... Enfin, pourquoi l’Empereur m’a-t-il fait un accueil si confiant, si affectueux, la dernière fois que je l’ai vu ?

Puis, avec un accent de profonde tristesse, il résume, pour ainsi dire, son aventure en ces mots :