Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/827

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rétrospectives ; elles ne sont légitimes, elles ne sont utiles que dans la stricte mesure où elles éclairent le présent. A ce point de vue, il est manifeste que la politique dilatoire de Bratiano a rendu beaucoup plus difficile, beaucoup plus aventureuse, l’entreprise où s’engage la Roumanie. Je constate en outre que, par sa faute, le concours des armées russes, leur approvisionnement, leur transport, l’adaptation de leur effort au plan d’action balkanique, ne sont pas préparés. Les choses en sont encore au point où elles étaient, il y a six mois, lors de mes conversations avec Philippesco...



Dimanche, 20 août.

J’ai causé, ces derniers jours, avec beaucoup de personnes et de tous les camps. Si je résume leurs confidences et, plus encore peut-être, leurs réticences, j’arrive aux conclusions suivantes.

En dehors et à l’insu de l’Empereur, la camarilla de l’Impératrice s’efforce d’imprimer à la diplomatie russe une orientation nouvelle, je veux dire de préparer une réconciliation avec l’Allemagne. La raison prédominante est la crainte que le parti réactionnaire éprouve à voir la Russie entretenir un commerce si intime et si prolongé avec les Puissances démocratiques de l’Occident ; j’ai noté, plusieurs fois déjà cette considération. Il y a ensuite la communauté d’intérêts industriels et commerciaux qui existait avant la guerre entre l’Allemagne et la Russie et qu’on est impatient de rétablir. Il y a enfin le médiocre résultat que l’offensive des armées russes a obtenu récemment sur la Dvina, et qui prouve que la résistance militaire de l’Allemagne est bien loin d’être épuisée. En revanche, les succès remportés en Galicie et en Arménie ont accrédité l’idée que les profits de la guerre doivent être recherchés du côté de l’Autriche et de la Turquie plutôt que de l’Allemagne...



Mardi, 22 août.

L’ancien ministre de l’Agriculture, Krivochéïne, qui est certainement l’esprit le plus ouvert et le plus distingué parmi les impérialistes libéraux, me parlait naguère de la résistance obstinée, invincible, à laquelle on se heurte chez l’Empereur, lorsqu’on lui conseille de faire évoluer le tsarisme vers la monarchie parlementaire ; il terminait par ce propos découragé :