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Evoquées par notre fantaisie, les fresques intérieures nous apparaissaient à travers la pierre.

Et notre musique avait le visage de cette femme vêtue qui se penche, la joue sur son psaltérion.

J’étais vigilant et attentif à mon désir.

J’étais ce que je suis quand ma nature et ma culture, ma sensualité et mon intelligence cessent de lutter et se concilient complètement.

J’étais un mystère musical avec, dans la bouche, la saveur du monde.

Quand je m’arrêtais, ma compagne, qui pour moi avait nom Ghisola, me demandait : « Que cherches-tu ? « 

Le soir tombait. L’ombre du marbre était bleue. C’est ce marbre qui, au crépuscule, fait le bleu pareil au lapis lazzuli. Il bleuissait l’herbe comme d’une touche d’outremer.

Le silence s’ouvrait devant nous, se partageait à droite et à gauche, coulait le long de nos flancs, comme le fleuve qui polit le nageur. Notre sentiment était simple et ineffable. Nous étions pauvres et légers, nous étions riches et légers. Nous étions comme deux mendiants sans besace et comme deux souverains sans diadème.

« Que cherches-tu ? « me demandait Ghisolabella, par moments, comme dans une cadence.

Etais-je un chercheur magique de trésors ou de sources ? J’avais en moi toutes mes sources et tous mes trésors.

Je cherchais mon désir. Et voilà que j’avais trouvé !

Je m’arrêtai, fermant à demi les yeux pour retenir sous mes paupières ma félicité. Je n’étais plus qu’un seul sens. Tout mon cerveau palpitait avec mes narines sagaces.

Je me penchai dans l’ombre humide ; je fouillai adroitement, de mes doigts, l’herbe humide. Ma face penchée, elle aussi, se sentait teinte d’outre-mer : mes mains elles aussi se faisaient azurées.

« Mais que cherches-tu ? Que cherches-tu ? « 


J’avais découvert une touffe de violettes.


Tout à coup le visage de l’amour s’obscurcit, s’efface. Un cercle de solitude est entre mon lit de misère et le reste du monde.