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les plus hauts dignitaires de la Cour impériale, ceux que Napoléon, dans son aveuglement, considérait comme les indéfectibles soutiens de sa couronne, étaient tous gagnés à la cause des Bourbons et n’attendaient qu’un signe du Roi de Mitau pour procéder à sa restauration. Perlot affirmait ces choses étonnantes avec tant d’autorité ; il en développait les causes profondes avec une si manifeste connaissance des plus ténébreux dessous de la politique, qu’il était impossible de mettre en doute ses assertions. Le comte d’Avaray que l’exil, le malheur et la maladie avaient aigri et qui tenait en méfiance les plus avérés royalistes, le comte d’Avaray croyait en Perlet. Le comte de Moustier, représentant de Louis XVIII à Berlin, croyait en Perlet. Louis XVIII lui-même, le plus prudent et le plus circonspect des hommes, avait foi entière en la sincérité de ce loyal correspondant. Il mandait à Moustier qu’il fallait songer à récompenser un tel zèle ; et, en attendant, il voulait, « malgré sa cruelle pénurie, » supporter les frais de cette décisive correspondance. Dès le mois de mai 1806, la seule inquiétude de François Fauche était que les choses n’allassent trop vite et que le Roi fût pris de court : Mitau est si loin de Paris ! Aussi jugeait-il prudent d’organiser un conseil de Régence qui, au cas où l’on serait surpris par les événements, gouvernerait la France jusqu’à l’arrivée de Sa Majesté. Et c’est ainsi que Perlet lui-même se voyait, — non sans étonnement peut-être, — chargé de composer le gouvernement provisoire qui allait succéder à Napoléon et rendre la France au frère de Louis XVI.


Perlet était un mouchard ; le plus obscur, le plus vil, le plus méprisé peut-être de cette tourbe de déclassés dont se composait la police de Desmarest. A son retour de Cayenne où Fructidor l’avait expédié, il n’avait rien retrouvé d’une fortune estimée, d’après ses dires, à 500 000 francs. Le monde avait changé en son absence et il ne parvint ni à rétablir sa situation, ni à trouver un emploi qui l’aidât à vivre. Ayant femme et enfants, las de traîner la misère, il sombra, comme bien d’autres et tenta de s’affilier à la police.

Avant la Révolution, lorsqu’il habitait encore à Genève, il avait là pour ami un prêteur sur gages, nommé Veyrat. qui, accusé d’émission de fausse monnaie, condamné à la prison puis