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Non seulement il correspondait avec Perlet, mais il recopiait les lettres reçues de lui pour les transmettre au Roi, aux ministres anglais, et il les accompagnait de commentaires interminables et de considérations prolixes sur la situation de l’Europe, ou de billets d’envoi signés de son seul prénom Louis, prenant sous sa plume une allure de plus en plus royale. A force de vivre dans la fréquentation des princes, des ambassadeurs, des hommes d’État, Fauche imaginait être ministre, et ce devait être un spectacle bien curieux que celui de la vaniteuse gravité qu’il apportait à traiter, le plus sérieusement du monde, la mystification dont il était la dupe. Il y a des perles dans ses lettres à l’ami Bourlac, — tel était, on le sait, le pseudonyme adopté par Perlet sur la prière instante de Fauche : — « Je suis chargé de vous dire, de la part de M. Courtemer (d’Avaray), qu’il se porte bien et de vous témoigner toute la satisfaction que Fietta (Louis XVIII) conçoit de votre travail et de celui de votre Comité. » A ce Comité Fauche revenait sans cesse : il voudrait bien savoir quels personnages le composent : — « Tâchez de nous dire que vous comptez sur Fouché ; on aimerait avoir dans nos affaires un homme à moyens comme lui. » Perlet ayant annoncé que la « majeure partie de la Police de Paris était aux ordres du Comité, » cette bourde énorme fut acceptée sans l’ombre de scepticisme : et Fauche tente de se renseigner : — « Êtes-vous bien avec la police de Fouché et de Desmarest, ou travaillez-vous avec celle de Dubois ? » (le Préfet). Le mouchard préférait ne pas s’étendre sur ce sujet : mais Desmarest, qui avait de l’esprit et aimait à plaisanter, glissa dans l’une des lettres de son agent une allusion discrète à l’offre que, deux ans auparavant. Fauche, prisonnier à la Force, lui avait faite de ses services, en protestant de « son dévouement au gouvernement impérial. » Perlet, jouant l’inquiétude, demande à Fauche si ses convictions royalistes sont bien sincères, et s’il n’a jamais caressé le projet de se rallier à Bonaparte. Fauche, indigné, riposte : — « Je ne comprends pas comment vous pouvez me parler de vos craintes au sujet d’un changement de parti, et de l’idée révoltante que je pourrais être assez vil pour m’être attaché à l’exécrable tyran. Mille fois mourir, avant qu’une idée semblable me prenne ! » Ce que lisant Desmarest dut rire.

On perçoit l’écho de sa gaité dans les bulletins rédigés sous