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à la confection de la carte des Chasses : si grande était l’aberration de la petite cour du Prétendant qu’on n’y doutait pas des regrets que ce passé flatteur devait éveiller au cœur de Berthier, devenu ministre de la Guerre ; mais il se déclara satisfait de sa place actuelle, et ce fut encore pour Mitau une désillusion. On aborda enfin Bonaparte lui-même, — « un gredin très maladroit, » au dire du comte de Vandreuil ; — pour le vainqueur d’Arcole, Louis XVIII se mit en frais d’une lettre personnelle, qui lui valut une réponse, de son propre aveu, » insolente. » Et malgré ces déboires répétés, la foi subsistait toujours dans la constante fidélité des « sujets » du Roi et dans sa restauration prochaine. Que ces puériles espérances aveuglassent les émigrés, vivant depuis longtemps à l’étranger, on peut, d’une certaine façon, le comprendre : mais qu’elles ne fussent pas détrompées par les fervents authentiques que les Bourbons comptaient encore à Paris, voilà qui parait difficilement explicable.

Il est vrai que, depuis l’exécution du duc d’Enghien, au printemps de 1804, il n’y avait plus en France d’agence royale. Il était constant que Bonaparte ne se sentait aucune disposition à jouer le rôle d’un Monck, et pourtant les illusions persistaient toujours : c’est un mal tenace dont on s’efforce de ne pas guérir, tant il est captieux et séduisant : ainsi s’explique la crédulité de la petite cour de Mitau qui, lasse de déceptions, s’obstinait à vouloir être leurrée et, sous le grand déluge où s’étaient noyés tous ses espoirs, accueillait comme la colombe de l’arche, la mystification de l’odieux Perlet, annonçant qu’un revirement était proche et que l’Usurpateur, en apparence triomphant, ne comptait plus un partisan ni un ami.

Les coups répétés du malheur, l’éloignement, l’impossibilité d’un incessant contact avec la France, la préoccupation de tenir le rôle en dépit de l’inattention universelle, et, plus encore, les flatteries mensongères des aventuriers et des besogneux, enveloppaient Mitau d’une sorte de léthargie. C’était alors une ville régulièrement tracée, mais bâtie de maisons de bois, dominées par l’un de ces immenses châteaux que, dans l’obsession de Versailles, bon nombre de souverains, grands et petits, avaient élevés au cours du XVIIIe siècle. La demeure était donc monumentale et pouvait passer pour splendide, digne vraiment d’abriter l’exil de la plus auguste monarchie du monde. Des bosquets coupés d’étangs formaient parc, dissimulant