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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/887

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qui reviendra avec moi auprès de Votre Excellence pour traiter d’un objet important qui intéresse essentiellement le salut de l’État et l’existence personnelle du ministre. Si le ministre veut envoyer une personne qui ait toute sa confiance, cette personne recevra les premières communications qui ne laisseront rien à désirer à Son Excellence. Enfin, en priant le ministre de renvoyer mon neveu par la voie particulière des pêcheurs, je propose d’établir de suite, par ce moyen, une correspondance prompte dont le secret sera impénétrable et dont aucun émigré ni agent des princes ne sera instruit.

FAUCHE-BOREL.


Par précaution, cette lettre, tracée sur un papier très mince, fut introduite dans le bambou qui servait de badine à Vitel. Il lui était bien recommandé de ne remettre ce billet qu’à Fouché lui-même. Ainsi, bien lesté d’argent, heureux en expectative de la lieutenance que lord Howich lui a promise pour récompense, curieux de pénétrer en de si romanesques conditions dans ce Paris qu’il n’a jamais vu, Charles Vitel quitte Londres le 6 janvier 1807, poussé par l’inconscience de son oncle vers cet antre redoutable de la Police impériale, où il doit, sur la foi de Perlet, trouver des protecteurs empressés à lui faciliter sa tâche et à le prémunir contre tout danger.


Vitel débarqua à Hambourg, muni d’un laissez-passer danois au moyen duquel il put se procurer un passeport pour Neuchâtel. Il traversa l’Allemagne sans malencombre et arriva dans sa famille vers le 1er février. Il séjourna dix jours à Neuchâtel et écrivit de là à Perlet pour l’aviser de son très prochain passage à Paris.

Cette lettre déçut Perlet : c’était Fauche-Borel qu’il espérait livrer à Desmarest. Il était, en outre, fort perplexe : ce jeune Vitel, arrivant investi d’une mission bien définie, ne serait probablement pas aussi facile à berner que son oncle le libraire : il allait exiger des précisions ; comment éluder ses questions ? Par quel subterfuge nouveau éviter de lui révéler les noms des membres d’un Comité qui n’existait pas ? Et si Perlet refusait de parler, quel prétexte invoquer pour expliquer son silence sans pourtant éveiller les soupçons de ses dupes de Londres et compromettre la correspondance juste au moment où elle se présentait lucrative ?