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Perlet confia son embarras à son maître et ami Veyrat. L’inspecteur général de la Police avait ses défauts ; mais c’était un homme de ressources, doué d’une sorte de génie pour sa profession et disposant de mille roueries aussi variées qu’ingénieuses : il examina la question et décida que, pour se tirer de cette situation épineuse, il suffisait de placer Perlet dans une position qui lui interdit de répondre aux questions de Vitel en lui permettant cependant de faire parler ce jeune homme dont on pouvait obtenir des renseignements précieux. Il imagina donc de mettre pour quelques jours Perlet en prison, sous prétexte de dettes impayées ; durant cette détention fictive, Veyrat se chargerait de surveiller Vitel et d’empêcher qu’il perdit patience.

Charles Vitel arriva à Paris, venant directement de Neuchâtel, le 21 février, et se logea à l’Hôtel d’Hambourg, tenu par Paguest, rue de Grenelle Saint-Honoré, non loin du Palais-Royal. Dès le jour suivant, gardant 20 louis d’or en poche, il porta une lettre de crédit de 180 livres sterling à la banque Hottinger, rue du Sentier : il disposait donc de 200 livres sterling, soit environ 5 000 francs. Cette opération faite, il se dirigea vers la rue de Tournon qu’habitait Perlet : Mme Perlet était seule à la maison, — on sait pourquoi ; — elle reçut le visiteur qui se présenta comme un libraire venu pour entretenir Perlet d’un ouvrage intitulé les Oiseaux de Paradis. C’était là le « mot de reconnaissance. » Mme Perlet annonça que son mari était absent. Vitel laissa son nom et son adresse et s’en alla.

Vers le soir, Mme Perlet poussa jusqu’à la prison de Sainte-Pélagie, où s’était fait écrouer Perlet et rendit compte à celui-ci de la visite reçue dans l’après-midi. Perlet lui remit un billet que devait porter à Vitel le surlendemain, à la première heure, son domestique Gallay : il invitait par ce petit mot le neveu de Fauche-Borel à venir le trouver au plus tôt, sans lui indiquer pourtant l’endroit où il se trouvait. Le 24, à dix heures du matin, Gallay était à l’Hôtel d’Hambourg et proposait à Vitel de le mener à la maison où logeait momentanément Perlet. Vitel accepta avec empressement et se mit en route, en compagnie du domestique, lequel, soit dit en passant, était lui-même un mouchard de la Préfecture. Ils traversèrent tout Paris ; mais lorsqu’on arriva dans les parages déserts du fau- bourg Saint-Victor, Vitel parut inquiet et demanda où on le