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convaincu de sa réussite et ferait les plus grands sacrifices d’argent. J’ai répondu... que j’avais bien quelques espérances et que notre Comité étant composé des gens les plus marquants, j’en référerais à eux et lui dirais ce qu’il faut en penser. Vitel est dans la plus grande sécurité ; il vient me voir tous les jours... J’ignore encore s’il a des papiers : s’il en a, il est impossible qu’ils nous échappent. Je suis bien assuré qu’il ne me cachera rien et qu’on fera de lui tout ce qu’on voudra.

— 3 mars. J’ai passé une partie de la matinée avec mon homme... Le projet bien arrêté entre le Ministère anglais et la Russie est de faire monter Louis XVIII sur le trône. Aussitôt qu’ils seront assurés de la disposition de la France, ils enverront une flotte prendre Louis XVIII et le feront débarquer... à l’endroit que le Comité indiquera.


On sent l’importance que se donne le misérable et combien il fait valoir l’invention de son Comité : il voit déjà le Roi de Mitau et la flotte anglaise tombant, comme le pauvre Vitel, dans le piège qu’il a dressé et il se fait gloire de sa machination. Le préfet de Police en est tout aussi satisfait : Perlet reçoit, en récompense de ses bons services, une gratification de 2 400 francs. De fait, il a adroitement conduit l’affaire : il a su confesser sa victime sans se « couper » et sans payer ces épanchements d’une seule confidence : il n’a nommé à Vitel aucun des membres du pseudo Comité ; ou, plutôt, il en a désigné un, un seul, son ami et son maître, l’inspecteur général Veyrat. Ah ! celui-là il le présente comme le plus ferme était de ce Comité fantôme, comme l’homme puissant auquel tous les royalistes de Paris doivent l’immunité dont ils bénéficient. C’est « grâce à la protection occulte de Veyrat que Vitel n’a été ni surveillé ni inquiété, » et Perlet conjure le naïf jeune homme de ne jamais oublier, dans le cas où il éprouverait quelque ennui ou serait aux prises avec quelque difficulté, qu’il trouvera en Monsieur l’Inspecteur une providence prête à le tirer de tous les dangers..

Veyrat veille sur Vitel, en effet, non pas pour le sauvegarder, mais pour parer à un départ furtif. Sur l’assurance de Perlet, le neveu de Fauche-Borel se croit libre et inviolable, quand déjà il est pris dans un réseau dont il ne se dépêtrera plus : sa sérénité est telle que, las des prudentes temporisations de Perlet, il a décidé de brusqueries choses, de se présenter au ministère de la Police et de solliciter une audience de Fouché, afin de lui remettre le billet caché dans sa badine de bambou. Il a fixé cette démarche au jeudi 4 mars. Mais la Préfecture, informée