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audacieuses affirmations de Perlet, il se persuadait, à la réflexion, que la Police, et Dubois, et Bertrand, et Veyrat lui-même lui étaient favorables, puisqu’ils servaient secrètement la même cause que lui, et il ne voyait dans son arrestation qu’une précaution administrative destinée à le soustraire aux rancunes des adversaires du Comité sous la bannière duquel ils étaient enrôlés. Il est même probable qu’on le berna de quelque imbroglio de ce genre, sans quoi on ne comprendrait pas qu’il fût assez naïf pour s’adresser à Veyrat lui-même afin que celui-ci lui facilitât les moyens de « remplir sa mission. » On sait que Perlet lui avait vanté la grande influence et le pur royalisme de Veyrat, et le pauvre enseigne, désireux de terminer sa tâche et de retourner à Londres, ne croyait pouvoir mieux faire que d’implorer l’appui de ce « protecteur » tout-puissant. Veyrat répondit en conseillant au prévenu « de rédiger un mémoire sur les motifs de son voyage, en ayant soin de ne rien dissimuler. » Vitel mit donc par écrit sa confession générale. La confiance de cet enfant en ses tortionnaires est pitoyable ; rien ne peut le désabuser ; il ignore qu’il y a des méchants ; et quand Veyrat le fait appeler pour l’avertir qu’on a saisi et confisqué les 4 500 francs déposés à la banque Hottinger et qu’il lui faut se procurer d’autres ressources, il se désole à la pensée d’imposer un sacrifice à sa mère qui n’est pas riche : il note sur son carnet : — « Inquiétude de toute la nuit, n’ayant point de ressources à attendre de ma pauvre mère et ne connaissant personne ici qui puisse m’aider pour le présent. »

Trois jours plus tard, on le transfère à la Tour du Temple où il est reçu par Fauconnier, une vieille relation de sa famille. Ne comprenant rien à cet acharnement du monde contre lui, il pense sortir de peine en implorant Fouché et, dans son journal, il mentionne : — « Le 24, écrit à S. E. le ministre de la Police. » Sa requête est accueillie. Le 27, un inspecteur, — c’est le terrible Pasques, — vient chercher Vitel au Temple pour le conduire au quai Malaquais : enfin, il va donc pouvoir s’expliquer, être mis en relation avec le Comité, remplir sa mission et reprendre la route de Londres. Mais il n’est pas reçu par le ministre : c’est chez un « secrétaire » qu’on l’introduit, — Desmarest, probablement, — et, sans doute, la réception est-elle décevante, car, réintégré le même jour au temple, Vitel n’écrira plus sur son carnet. Il parait avoir perdu tout espoir ; il trace, sur