Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/897

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(14 400 fr.), cette somme étant immédiatement indispensable pour tirer Vitel du mauvais pas où il s’était maladroitement fourvoyé. Trois jours plus tard, Perlet insiste : il lui faut l’argent pour « racheter » Vitel ; grâce à l’appui du Comité, le jeune émissaire sera bientôt libre et rentrera à Londres « muni des pièces les plus propres à fortifier la confiance du cabinet britannique » en la restauration prochaine. Et trois jours plus tard encore, il revient à la charge, tant il redoute que les gazettes n’ébruitent l’incident avant qu’il ait escroqué la somme convoitée : — « Si vos fonds arrivent à temps, je parviendrai à dégager Vitel et à vous le renvoyer porteur de toutes pièces ; en attendant, comptez sur tout mon zèle et tout mon dévouement. » Et il ajoutait par scrupule de n’avoir pas encore assez trahi : — « On a voulu me faire croire que M. Vitel était porteur de quelque chose de très secret ; dites-le-moi franchement, » espérant ainsi alourdir de quelque nouvelle charge l’accusation qui pesait sur le détenu du Temple. Pas un mot, on le voit, des circonstances de l’arrestation, de la prison où est écroué Vitel, du plus ou moins de gravité de la prévention, de la juridiction devant laquelle il doit comparaître. Il importait de tenir en haleine l’angoisse de Fauche-Borel pour qu’il payât, mais non de fixer ses incertitudes, ce qui n’eût pas manqué de décourager sa générosité. Fauche se procura donc les 14 000 francs qu’il envoya au plus vite, de sorte que cet « incident Vitel « rapportait en trois mois à Perlet une vingtaine de mille francs, sans compter l’estime du comte Dubois, préfet de police, qui, quelques mois plus tard, gratifia ce bon serviteur d’un emploi de rédacteur à 400 francs par mois dans les bureaux de la rue de Jérusalem. Il ne fallait point s’attarder sur l’affaire ; elle avait « rendu » plus qu’on n’espérait.

On ne s’y attarda pas en effet. Le 4 avril, au matin, les agents Chef de ville et Tavernier vinrent au Temple afin d’y lever l’écrou de Charles Vitel et « d’extraire » celui-ci de la prison d’Etat. En donnant à Fauconnier décharge du prisonnier, ils annoncèrent « qu’il ne serait pas réintégré. » Vitel fut conduit à l’Hôtel des Conseils de guerre, rue du Cherche-Midi, pour y comparaître devant une commission militaire. Sa culpabilité était démontrée d’avance et les débats furent expédiés : le pauvre garçon se borna à réclamer l’indulgence de ses juges qui le condamnèrent à mort, sans appel ni sursis. Transféré aussitôt à la