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des grandes idées de notre race, » le « jour sacré » du 4 août, et l’élan de tout un peuple qui se porte à sa frontière. Puis, c’est la fièvre de la mobilisation et l’attente impatiente des premières batailles. « Une matière enthousiaste passant par des mains qui savent l’ordonner, voilà notre France à cette heure, plus belle, ma foi, que nous n’osions la rêver, nous-mêmes qui, toujours, avons proclamé que le génie français est de vieille formation militaire. » Et tandis que le front intérieur s’organise, que les dévouements s’offrent et se multiplient, une même pensée inquiète hante tous les non-combattants : « J’ai là trois œuvres très utiles, sans compter d’autres soins de propagande, et c’est assez pour remplir les journées, même pour remplir l’esprit. Mais tout cela n’arrive pas à accaparer suffisamment l’âme. On se surprend à se croire en faute, c’est ailleurs qu’on voudrait être, là-bas, au champ du devoir. »

Cependant les armées adverses croisent le fer, et le sort des armes nous est d’abord contraire. Les hordes germaniques s’avancent à marches forcées sur Paris. La volonté française se tend dans un effort surhumain. « Voulez-vous que j’emploie le mot de prière ? Il rend bien ma pensée. A cette heure, dans tout l’univers, l’élite des hommes, les plus cultivés, les plus humains, prient pour le succès de nos armes. Ils voient que la civilisation serait diminuée, si elle était privée de notre nation, de notre ville, plus capables qu’aucune nation et qu’aucune ville de maintenir les idées généreuses dans le monde. » Une partie suprême va se jouer que nous devons aborder avec confiance, car nos armées sont intactes et leurs dispositions morales sont admirables. « Quelque chose d’heureux et de grand se prépare. » Et en effet, au bout de quelques jours d’angoisse, le miracle souhaité s’accomplit ; la victoire, que nous avions attendue quarante-quatre ans, redevient enfin française. Un immense soupir d’allégresse salue notre délivrance. » Ils s’en retournent, les Barbares, comme s’en retournèrent jadis le duc de Brunswick et Attila. Et nous, d’avoir par nous-mêmes, une fois de plus, assuré notre salut et préparé le salut du monde, quelle grandeur ! Toutes les âmes françaises en reçoivent de la lumière et une indéfectible énergie. C’est une fermentation immense dans tout notre pays. Tout un peuple, cet après-midi, battait les murs de Notre-Dame. Chacun de nous cherche où porter ses remerciements aux autels de la patrie. »