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préparation pour le rôle que nos administrateurs, nos officiers, nos soldats et chacun de nous, nous pouvons avoir à tenir, c’est évidemment l’étude des conditions dans lesquelles ce contact s’est déjà présenté... Quelle aide la plus visible la France a-t-elle donnée à la vie spirituelle, économique, intellectuelle de la rive gauche ?... Il s’agit de savoir ce qu’ont fait nos pères, non pour les répéter, mais pour apprendre de leurs succès et de leurs fautes, dans le passé, le secret d’une coopération actuelle franco-rhénane.


Ce captivant programme, M. Maurice Barrès l’a excellemment rempli. Après avoir essayé de définir, d’après les textes de nos écrivains, ce qu’il appelle « le sentiment du Rhin dans l’âme française, » il lâche de caractériser la vie légendaire, religieuse, économique du peuple rhénan, et il n’a point de peine, dans ces divers domaines, à reconnaître l’apport français et à en montrer, relativement à l’apport prussien, la généreuse et féconde influence. Tandis que la Prusse asservit, la France libère. Elle doit reprendre et poursuivre son œuvre, brutalement interrompue par un siècle de domination prussienne. « La France sur le Rhin doit agir d’une telle manière qu’elle incline les Rhénans à un idéal spirituel et social qui les détourne à tout jamais du germanisme de Berlin et qui les amène à rentrer en contact plus étroit avec la culture latine, avec notre esprit occidental. »

Certes, c’est là une noble mission, et M. Barrès, qui nous l’expose avec une chaleur persuasive, a bien raison de penser qu’elle n’est pas au-dessus des forces de la France. Puisque, pendant quinze ans, la France militaire doit vivre en Rhénanie, il sera bon qu’elle suive, en les tempérant peut-être d’un peu de prudence, les directions de M. Barrès. Ce sera conforme à ses généreuses traditions de « nation apôtre ; » et qui sait si son intérêt profond ne lui commande pas cette attitude ? Car s’il est à craindre qu’on lui refuse éternellement les clefs de sa maison, en travaillant du moins à apprivoiser et à « civiliser » la Rhénanie, et, par la Rhénanie, l’Allemagne tout entière, elle aura, en cas de succès, fait beaucoup pour sa sécurité personnelle et pour la pacification générale.

De cette politique rhénane M. Barrès s’est fait le théoricien et le défenseur, non seulement dans ses conférences de Strasbourg et dans ses articles de journal, mais à la tribune de la Chambre. Au lendemain de la ratification du traité de paix, il