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avait été réélu député de Paris sur le large programme du « Bloc national, » dont, avec M. Millerand, il avait été le principal artisan. A ce titre, il avait eu la joie de voir enfin aboutir un projet dont il avait pris depuis longtemps l’initiative : à l’unanimité, le Parlement avait proclamé Jeanne d’Arc patronne de la France et avait décidé de célébrer sa mémoire par une fête nationale. Pour plaider la cause de la sainte de la patrie, pour expliquer les lenteurs de l’opinion parlementaire à se rallier à son idée, l’auteur de Colette Baudoche s’était montré bien ingénieusement habile : « J’écarte, disait-il, les petites explications tirées de l’esprit ombrageux des partis, et, allant droit au centre de nos difficultés, je crois pouvoir dire que, par une sorte d’instinct, nous attendions tous une occasion parfaite. Ce n’était pas ingratitude ni indifférence, mais scrupule de respect. Nous attendions d’être plus sûrs de notre accord profond les uns avec les autres, et de notre accord avec cette haute figure. Quelque chose nous avertissait de ne pas nous presser et qu’une heure élue sonnerait, une de ces heures magnanimes qui portent en elles la vertu de hausser les esprits et de réconcilier les cœurs [1]. » Ces paroles sont de 1914. Six ans plus tard, les Chambres françaises souscrivaient à cet insinuant et généreux langage.

Heureux les écrivains que les circonstances et la nature de leurs préoccupations et de leur talent amènent à se faire les porte-parole de leur pays ! Le subtil ironiste de Sous l’œil des Barbares est devenu l’avocat presque officiel de toutes les grandes causes françaises. Hier, il plaidait pour nos églises ; aujourd’hui, il dénonce « la grande pitié des laboratoires de France [2]. » Le monde latin célèbre-t-il le centenaire de Dante : c’est lui qui, à la Sorbonne, rendra au grand poète l’hommage des lettrés de chez nous. L’admirable discours, fin et fort, chaleureux et nuancé, qui dut faire tant de plaisir à nos amis d’Italie, et qui, je le sais, n’a pas été moins goûté des spécialistes les plus avertis que du simple public des honnêtes gens ! Que de choses seraient

  1. Autour de Jeanne d’Arc, Edouard Champion, 1916, p. 44. — « On demande quelquefois : « Qu’est-ce qui vous fait plaisir dans la vie ? « Je réponds : « Rien que le travail. » — « Mais encore ? » — « Eh bien ! d’avoir contribué à donner à la France, hier, la Croix de guerre, et, aujourd’hui, le patronage de Jeanne d’Arc. » (Que Jeanne d’Arc patronne de la France se dresse d’abord à Strasbourg, Écho de Paris, 23 juin 1920).
  2. Voyez la Revue du 15 janvier 1920.