Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/930

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Washington, il est vraisemblable qu’il nous serait impossible, si les circonstances l’exigeaient, d’assurer avec nos seuls moyens la liberté de nos communications interocéaniques. En admettant que ces communications puissent être sauvegardées, l’aide de nos colonies ne pourrait nous parvenir que lentement et pour ainsi dire au compte-goutte, alors qu’avec le Transsaharien nos ressources principales, celles de l’Afrique française totale, nous seraient déversées à jet continu.

Pouvons-nous aujourd’hui espérer que l’ère des guerres est désormais close, ou qu’en cas de conflit, nous aurions à nos côtés, comme hier, les flottes de l’Amérique, de l’Angleterre, de l’Italie et du Japon ? De telles hypothèses forment une base trop incertaine pour y édifier une politique d’avenir. Ecartons-les donc, et examinons dans quelle mesure, en cas de conflit, nous pourrions sûrement recevoir l’aide de nos colonies. Un simple coup d’œil sur la mappemonde nous fait apparaître notre Empire africain, ce bloc compact et rapproché de la France, comme le fondement même, d’ailleurs large et solide, de tout notre édifice colonial, dont les autres parties, infiniment plus petites, sont distantes et éparses.

A cet aspect géographique correspondent des réalités positives. Sur 3 milliards 200 millions, représentant le commerce général de tout notre domaine d’outre-mer en 1913, dernière année des évaluations normales, l’Afrique figurait pour 2 milliards 130 millions, — plus des deux tiers ; et la proportion est plus forte aujourd’hui, s’étant accrue de notre mandat sur le Cameroun et le Togo. Sur 900 000 hommes, combattants ou ouvriers, que nous a fournis ce même domaine pendant la guerre, 650 000, plus des deux tiers, dont 500 000 combattants, provenaient de l’Afrique. Et c’est encore l’Afrique qui, par ses envois incessants de céréales, de vins, de moutons, d’oléagineux, de bois, de minerais et de phosphates, constitua la plus grande part de nos apports coloniaux.

Aussi bien, avant la guerre, on avait pu constater que la part de la France dans le commerce général de nos colonies, était en raison inverse de leur éloignement de la Métropole : 70 p. 100 pour l’Afrique du Nord, 53 p. 100 pour le Sénégal ; 46 p. 100 pour la Guinée, 28 p. 100 pour l’Indochine. Car ce n’est pas seulement la distance, c’est aussi la pénurie et le prix élevé de notre fret, qui écartaient de notre marché les produits