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de longues distances qu’aggravent encore l’insuffisance, la lenteur et la cherté de nos services maritimes ; en temps de guerre, ils risqueraient d’en être irrémédiablement coupés.

Dans cette âpre lutte économique où nos alliés mêmes sont de redoutables concurrents, dans celle plus tragique encore où pourrait nous jeter un nouveau conflit mondial, sommes-nous assez riches pour laisser inexploitées les ressources du centre de l’Afrique ? Sommes-nous assez forts pour risquer d’être privés de ces 180 000 combattants noirs qu’il nous a fournis et qui, dans quelques années, pourraient dépasser 300 000 ? [1]

« Nous sommes un peuple de cent millions d’hommes, » ne cesse de répéter un général illustre qui fut l’un des plus magnifiques artisans de notre victoire. Belle parole, mais qui restera à l’état de parole, si nous ne nous hâtons pas de mettre en valeur, en même temps que le sol, le capital humain de l’Afrique équatoriale, affaibli, décimé par les maladies consécutives à l’insuffisance de nourriture et au manque absolu d’hygiène. Si nous manquons à cette tâche, nous resterons la nation de 39 à 40 millions d’hommes, à natalité stationnaire ou fléchissante, en face d’une Allemagne de 60 à 63 millions d’âmes, à natalité toujours en progrès.


Assurément la question stratégique est aujourd’hui le point essentiel. Elle ne nous dispense pas cependant de nous demander quels services pourrait, au point de vue économique, nous rendre notre domaine central africain.

Quelques cas concrets suffiront à nous en faire mesurer l’étendue.

Qui ne connaît aujourd’hui l’importance majeure de la question du colon, et qui n’en redoute la crise prochaine ? C’est nous qui sommes les plus menacés. Avant la guerre, nous importions 280 à 300 000 tonnes de coton, dont la presque totalité nous venait d’Amérique et nous coûtait environ 600 millions par an. Aujourd’hui, cette importation, momentanément ralentie, nous coûterait plus du double [2]. Demain, nous risquons

  1. Le nouveau projet de loi sur la constitution des cadres et effectifs fait état de 52 régiments indigènes : 32 d’infanterie, 14 de cavalerie, 6 d’artillerie. Ce sont là les formations du temps de paix ; en guerre elles seraient augmentées.
  2. Nos importations de coton, en 1920, nous ont coûté 1 milliard 658 millions.