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d’en être privés, car l’Amérique tend de plus en plus à organiser des filatures sur son propre territoire et à se réserver la plus grande et, en tout cas la meilleure part de sa production.

Où pourrons-nous alors trouver le coton nécessaire à nos nombreuses filatures du Nord, du Centre, de l’Est [1] ? Qui pourra nous le fournir ? Ce n’est pas l’Angleterre menacée elle-même et qui développe fébrilement la production cotonnière de l’Egypte et des Indes. Ce n’est pas l’Indochine dont l’exportation, limitée à 7 ou 8 000 tonnes, est en grande partie absorbée par le Japon. Ce pourra être, pour une faible part, la Cilicie, si les événements permettent sa mise en valeur et si nous n’y sommes pas prévenus par des concurrents au change avantageux.

Si, au contraire, nous possédions le réseau ferré nécessaire pour les transports, nous pourrions facilement trouver dans notre Afrique centrale, sur les bords du Sénégal, du Niger, du Chari et dans certaines régions du Tchad, plus d’un million d’hectares favorables à la culture cotonnière, et qui, lorsque leur rendement aurait atteint sa valeur normale, pourraient nous procurer au moins 200 000 tonnes de grains. Le coton à l’état naturel pousse, un peu partout dans ces régions ; irrigué et cultivé, il donnerait de magnifiques rendements. L’ingénieur du Gouvernement Général de l’Afrique occidentale française, M. Belime, estime à 160 000 tonnes le rendement possible de la région du Niger comprise entre Bamako et Tombouctou. Il nous suffirait donc d’organiser en temps utile la production cotonnière de notre Afrique centrale, pour éviter le désastre économique qu’amènerait infailliblement la fermeture de la plus grande partie de nos filatures, désastre dont la répercussion sociale, en jetant sur le pavé des milliers de familles ouvrières, pourrait être considérable.

Le même raisonnement peut s’appliquer aux laines, aux cuirs, aux viandes frigorifiées, tous produits pour lesquels nous sommes encore tributaires de l’étranger dans des proportions démesurées. Nous importons 160 000 tonnes de laines coûtant plus d’un milliard, 330 000 tonnes de cuirs et peaux et 143 000 tonnes de viandes frigorifiées coûtant 8 à 900 millions ; et encore des oléagineux, du caoutchouc et du café, alors que,

  1. 630 filatures, employant plus de 10 millions de broches et de 300 000 ouvriers.