Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/934

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans toute la vallée du Niger et dans les régions voisines du Tchad, nous pourrions largement développer l’élevage des bœufs et des moutons à laine, la culture des arachides et du café.

Tout compte fait, la mise en valeur de notre Afrique centrale eût pu nous épargner avant la guerre environ 6 milliards d’importation étrangère ; aujourd’hui elle nous en épargnerait 10 à 12 milliards, dont la moitié contribuerait à développer la prospérité et la richesse de cette incomparable région de production, et dont l’autre moitié représenterait une économie absolue.

Or, ne nous y trompons pas, cette mise en valeur ne sera jamais réalisée sans le Transsaharien.

Jusque-là privées de cadres européens, de médecins, de vétérinaires, d’ingénieurs agricoles, de chefs de culture, toutes ces terres équatoriales à l’Est de Gao et jusqu’au Tchad et depuis le Tchad jusqu’au Congo, resteront plus ou moins incultes et désertiques, périodiquement ravagées par la maladie du sommeil, par des épidémies, des épizooties fréquentes, consécutives aux années de sécheresse qui entraînent des famines ou des disettes, qui anémient en tout cas les populations et les rendent éminemment accessibles à toutes les maladies.


Alors à quoi bon, dira-t-on, faire à grands frais aboutir le rail dans des régions où la main-d’œuvre fait défaut et n’a aucun désir de travailler ?

Ceux qui raisonnent ainsi constatent les effets sans remonter aux causes. Ils méconnaissent cette grande loi économique que, dans les régions susceptibles de produire, c’est au rail de créer la production et non à la production de précéder le rail ; et qu’un pays dépourvu de voies de pénétration et d’évacuation est fatalement voué à la déchéance, comme un corps qui serait privé de système artériel et veineux. Sans aller chercher bien loin les exemples, il suffira de rappeler que lorsque fut commencée, en 1882, la ligne ferrée de Saint-Louis à Dakar, elle traversait une région à peu près déserte : en 1886, elle transportait 10 000 tonnes de produits et 200 000 tonnes en 1910.

L’expérience est sur ce point d’accord avec la logique. Pourquoi travailleraient-ils pour produire au delà de leurs besoins immédiats, ces Noirs ancestralement habitués aux pratiques de la