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d’appeler les gens par leur nom, et le Commandeur n’y manque pas. Que si l’on trouve singulier de nommer en italien un personnage espagnol sur un théâtre français, à la bonne heure, mais alors que la règle soit la même pour tous : que Mazetto devienne Mazet, faisons de Leporello Petit-Lièvre et donnons du « Monsieur Octave » à Don Ottavio.

Si la traduction a paru cette fois plus que jamais traîtresse, la mise en scène, (les costumes du moins, non les décors), pourrait être qualifiée de belle infidèle. Trop de rubans, de soie et de satin. On a vêtu comme princes et princesses les gens, les bonnes gens de la noce de Mazetto et de Zerline, des villageois. Zerline, toute en riches dentelles, avait l’air d’une infante. En revanche, on a dévêtu le trio des masques de ses dominos consacrés. C’est un tort, c’en est même deux. Sur le fond clair d’un tableau de fête, il faut ces trois taches sombres. Elles annoncent le drame. Et puis et surtout, don Ottavio, Donna Anna et Donna Elvire ayant gardé leurs habits de tout à l’heure. Don Juan, qui n’a fait que les rencontrer aux quatre coins de la ville, ne peut manquer de les reconnaître chez lui, même sous le masque, et tout de suite.

Pour les paroles, pour le vestiaire, passe encore. Mais il y a la musique. Et, dans l’occurrence, elle n’a pas médiocrement pâti. « Tout de même, » disaient les plus accommodants, que La Fontaine estime les plus habiles, « tout de même, mieux vaut ce Don Juan — là que pas du tout. » Mais ce Don Juan — là ne fut presque pas du tout Don Juan. Pourquoi ? Pour trop de raisons, et qu’il serait long, cruel peut-être, et d’ailleurs inutile de déduire. Le régisseur du théâtre de Prague, au temps de Mozart, s’appelait Guardasoni. Il nous a toujours paru que ce nom valait à lui seul un avertissement, un programme. Régisseurs, directeurs, chanteurs, cantatrices, chefs d’orchestre, instrumentistes, quand vous touchez à Mozart, avant tout, plus qu’à tout, prenez garde aux sons.

C’est à propos de Don Juan que Gounod écrivait naguère : « Il est impossible de dresser un catalogue complet des abus et des licences de toute sorte qui dans l’exécution dénaturent le sens et compromettent l’impression d’une phrase musicale. On peut néanmoins les ramener à quelques chefs sous lesquels se résument à peu près les infractions les plus habituelles aux règles de l’art et du simple bon sens, à savoir :

Le mouvement.

La mesure.