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anglais. La plus curieuse peut-être des conséquences de cette réforme chinoise est qu’elle ne manquera pas d’entraîner à bref délai l’adoption si tenacement retardée du système métrique par eux. Cela parait paradoxal a priori. C’est pourtant fort simple.

Une des raisons pour lesquelles, — à côté des savants anglais qui depuis longtemps emploient le système métrique, — les commerçants britanniques se sont montrés si réfractaires à ce système est la suivante : les commerçants d’Extrême-Orient, et spécialement de Chine, ont pour principaux fournisseurs les Anglais ; ils ont l’habitude des mesures et des poids usuels dans le Royaume-Uni. Avec le sens pratique avisé qui les caractérise, les commerçants britanniques ont pensé qu’adopter le même système de mesures que les Français, les Allemands, etc., ce serait mettre à égalité, en présence de l’acheteur chinois, des concurrents dangereux pour eux, alors que ces concurrents sont handicapés, mis en posture défavorable par les habitudes dudit commerçant chinois, habitudes qu’il faut donc se bien garder de changer. C’est pourquoi de nombreux commerçants anglais avaient engagé à Pékin une campagne énergique contre la loi rendant obligatoire en Chine le système métrique.

C’est pourquoi aussi le jour où cette obligation y sera effectivement réalisée, un des principaux obstacles à l’adoption du système métrique en Angleterre sera tombé. Ce jour-là on peut s’attendre,— tant est grand et compris même par beaucoup d’Anglais l’avantage de ce système, — à ce que la Chambre des Communes ne se contente pas, pour rejeter le système, d’arguments humoristiques comme celui par lequel M. Lloyd George fit échouer la réforme un jour. Au milieu d’une tempête de rires approbateurs, il s’écria, ou à peu près : « Comment voulez-vous que nous adoptions un système aussi compliqué que le système métrique ? Croyez-vous que l’ouvrier anglais, le jour où il aura envie de boire une pinte de stout, consentira à demander au barman 0,568 litre de bière ? »

Cette boutade où se reconnaît bien l’adroite malice du Premier britannique eut naguère le succès que l’on peut imaginer et la réforme fut rejetée une fois de plus aux Communes. Gageons qu’il en sera autrement lorsque la Chine... car alors l’intérêt britannique dans son sens le plus terre à terre, je veux dire, l’intérêt pécuniaire immédiat des commerçants britanniques, commandera ce qu’il interdisait la veille.

A côté de la Chine, il est un autre géant parmi les nations : la Russie. C’est la Révolution chinoise qui a introduit le système