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légalement comme le voulait la Convention. Aujourd’hui on dit légalement : le mètre est la longueur à 0° du prototype international déposé au Pavillon de Breteuil ; le kilogramme est la masse du prototype en platine iradié déposé au Pavillon de Breteuil à Sèvres. De la sorte, il n’y a pas d’écart entre la théorie et la pratique.

Mais voici qu’une autre question s’est posée. Les prototypes internationaux de poids et mesures et leur réplique conservée dans chaque pays adhérent au système métrique ne varient-ils pas ? Conservent-ils la même longueur dans ce monde où tout, même la matière en apparence la plus inerte, est en mouvement et en évolution constante ?

Des mesures d’une haute précision ont été réalisées tout récemment dans le dessein de répondre à cette question. On a employé à cet effet les méthodes les plus exactes et notamment l’évaluation du mètre en longueur d’ondes par la méthode de Fizeau et de Michelson dont j’ai récemment entretenu ici-même mes lecteurs.

Le résultat, assez inattendu, de toutes ces déterminations, et qui vient d’être communiqué à la conférence des poids et mesures, a été le suivant.

Les étalons servant de témoins du mètre international n’ont pas depuis trente ans subi de variation appréciable de leur longueur. En revanche, les étalons qui sont d’autres copies de ce mètre et qui servent d’étalon d’usage du Bureau International ont subi depuis trente ans un allongement incontestable et égal à environ quatre dixièmes de microns, c’est-à-dire quatre dix-millièmes de millimètres.

C’est peu. Mais ce peu a suffi pour mettre en émoi tous les métrologistes, émoi qui, communiqué par eux à l’Académie des Sciences, a éveillé des échos prolongés jusqu’au fond des cabarets humoristiques qui ornent les coteaux montmartrois.

On a cherché à expliquer par diverses hypothèses cet allongement de règles métalliques qu’on croyait invariables. La plus plausible, à l’heure actuelle, de ces hypothèses est la suivante : on sait que sur toutes ces copies du mètre international la longueur du mètre est définie par la distance existant entre deux traits parallèles très fins tracés sur deux « mouches » placées dans la règle de platine iradié ; il semble qu’il se soit produit une usure dissymétrique de ces traits, due aux nettoyages nombreux auxquels ces « mouches » ont été soumises, et qui ont nécessité des frottements légers exercés avec une tendance naturelle à les diriger vers les extrémités des règles. L’hypothèse est d’autant plus plausible que les règles sur lesquelles on a constaté cet allongement sont les règles d’usage du bureau, c’est-à-dire