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par le Gouvernement des Soviets qui est seule responsable. Le déficit de la récolte russe en 1921 a été de 40 millions de quintaux de céréales panifiables ; mais l’excédent disponible de la production mondiale, pour l’année, a été de 50 millions de quintaux de blé et 20 de seigle qui seraient allés nourrir les paysans de la Volga si les bolchévistes n’avaient pas rendu tout commerce et toute circulation impossibles. Il arrive chaque année que, sur un point du globe, la sécheresse ou toute autre cause détruise les récoltes ; le commerce rétablit l’équilibre. Un haut fonctionnaire anglais qui a longtemps dirigé aux Indes la lutte contre la famine, sir Benjamin Robertson, vient de revenir d’une mission en Russie et a fait au Times un tableau précis et effrayant de la situation russe ; les réquisitions de 1920 ont dépouillé les paysans de toutes leurs réserves de grains ; le commerce est nul ; les initiatives privées ont été tuées ; les chemins de fer ne peuvent pas suffire à transporter des grains pour les semailles ; chaque famille n’a pu ensemencer que le tiers des terres nécessaires à sa subsistance ; la bonne volonté actuelle des Soviets locaux est impuissante ; quinze millions d’individus meurent de faim. Les secours arrivent à destination, mais avec une navrante lenteur. Les populations, incapables de réagir, sans forces et sans espoir, attendent la mort. Les faits de cannibalisme, enfants mangés, cadavres déterrés et dévorés, ne paraissent que trop exacts. Voilà à quel degré de barbarie et de misère la tyrannie bolchéviste a réduit un pays naguère prospère. M. Charles R. Crane, ancien ministre des États-Unis à Pékin, actuellement à Paris, bon connaisseur des affaires russes, disait le 20 février à un rédacteur des Débats : « Il n’y a pas eu de pire Gouvernement dans l’histoire des peuples, pire à tous les points de vue. Il a entièrement désorganisé, anarchisé la Russie, rendant une nation jusqu’à présent bonne, hospitalière et artistique, semblable à une peuplade préhistorique. » Certes, c’est un devoir d’humanité de faire tout ce qui sera possible pour arracher à la mort, cette année et l’année prochaine, les paysans russes. Mais, quand il s’agit d’entrer en relations de commerce avec un tel Gouvernement et d’appeler ses délégués à Gênes, de quelle prudence ne faut-il pas s’armer ? C’est ce qu’a montré, à Londres, M. Benès, qui a lui-même négocié avec les bolchévistes et qui croit possible, par une action commune bien coordonnée des Puissances occidentales, une « européanisation » de la Russie.

En Allemagne, le cabinet Wirth-Rathenau n’est sorti victorieux d’un long débat parlementaire qu’avec une faible majorité de 35 voix